Société Suisse des médecins-conseils et médecins d'assurances

34 Oncologie

Update, 3ème édition, juin 10

Introduction

Dans le domaine de l'oncologie, la question à laquelle le médecin-conseil est le plus souvent confronté est celle de l'utilisation de médicaments hors étiquette1 – tendance en constante augmentation:

Demandes concernant l'off-label use adressées au service central du médecin-conseil d'Helsana2
Année Nombre de demandes
2004 230
2005 259
2006 335
2007 444
2008 561

Pour comprendre cette situation, il faut revenir brièvement sur la procédure d'homologation de nouveaux médicaments: l'homologation (autorisation) de nouveaux médicaments se fait souvent assez rapidement en Suisse – comparé à l'Union Européenne (EMEA, European Medicines Agency) ou le Royaume Uni (NICE, National Institute for Health and Clinical Excellence) - la plupart du temps déjà sur la base d'une seule étude clinique publiée prouvant l'efficacité du nouveau médicament. Les conditions de cette "étude d'homologation" sont en règle générale assumées par Swissmedic pour l'homologation et par l'OFSP pour l'admission dans la LS.

Exemple: Autorisation d'Erbitux®

L'une des indications homologuées était ainsi libellée: "En association avec l'irinotécan pour le traitement de patients souffrant d'un cancer colorectal exprimant l'EGFR (epidermal growth factor receptor), avec métastases, dans le cas où un traitement cytotoxique incluant l'irinotécan a échoué". Ainsi donc, une thérapie préalable (incluant l'irinotécan), le cytostatique (irinotécan) administré en même temps qu'Erbitux et une propriété biologique de la tumeur (expression de EGFR) étaient les conditions retenues pour l'autorisation d'administrer Erbitux. Ces conditions correspondaient exactement aux critères d'inclusion de "l'étude d'homologation"3. L'homologation a eu lieu le 1.12.2003 selon la procédure d'autorisation rapide, avant même que l'étude ne soit publiée. L'EMEA n'a enregistré Erbitux que 6 mois plus tard (29.6.2004). Souvent, déjà peu de temps après l'homologation, la recherche clinique en oncologie révèle de nouvelles indications, met en question les restrictions existantes ou démontre que de nouvelles restrictions peuvent être judicieuses.

Exemple: Erbitux® en cas de carcinome colorectal

Depuis la publication de l'étude d'homologation précitée, il a été démontré que ce médicament agit également en association avec des substances autres que l'irinotécan 4 et que l'expression EGFR de la tumeur n'est pas une condition de l'efficacité.5 Inversement, dans le cas d'une mutation du gène k-ras dans les cellules de la tumeur, on a constaté que l'Erbitux était inefficace6.

La Limitatio de la LS a donc été modifiée en conséquence au 1.12.2009 et libellée ainsi: "En association avec l'irinotécan pour le traitement de patients souffrant d'un cancer colorectal exprimant l'EGFR, avec métastases et gène K-ras non muté, lorsque le traitement cytotoxique incluant l'irinotécan a échoué". Ce qui signifie que l'expression du EGFR a été abandonnée et, par contre, l'absence d'une mutation admise comme limitation judicieuse.

L'indication pour le carcinome colorectal définie par Swissmedic reste toutefois inchangée: "En association avec l'irinotécan pour le traitement de patients souffrant d'un cancer colorectal exprimant l'EGFR, avec métastases, lorsque le traitement cytotoxique incluant l'irinotécan a échoué." Swissmedic a autorisé deux autres indications (carcinome ORL en association avec une radiothérapie ou une chimiothérapie), la dernière en octobre 2009; les nouvelles connaissances concernant l'inefficacité dans le cas d'une mutation du gène K-ras muté n'ont pas été prises en considération. Cette situation prête à confusion: Swissmedic exige "l'expression du EGFR" et l'OFSP "un gène K-ras de type sauvage" – deux propriétés tumorales complètement différentes sur la plan biologique.

Il est fréquent qu'une indication, une fois déterminée, ne soit ni élargie ni corrigée: le droit de demander des modifications de l'homologation revient uniquement au "titulaire de l'autorisation" (c.à.d. au fabricant ou à l'importateur). Celui-ci n'est guère intéressé à un élargissement des indications, car la procédure est compliquée et, dans le cas d'un tel élargissement, l'OFSP peut fixer un nouveau prix, voire aussi le baisser.

Exemple: Carboplatine dans le cas d'un carcinome bronchique non à petites cellules.

Le Carboplatine (Paraplatin®, Carboplatin®) est uniquement autorisé pour le carcinome bronchique à petites cellules, donc pas pour le carcinome bronchique non à petite cellules. Aujourd'hui, le Carboplatine est considéré comme le traitement standard7, 8 dans le cas d'un carcinome bronchique non à petites cellules avec métastases. Il est autant efficace, mais nettement mieux toléré que le Cisplatine qui est homologué pour cette indication (Platinol®, Platiblastin®, Cisplatin®). Etant donné que la protection par brevet est arrivée à échéance, l'industrie n'est pas intéressée à élargissement de l'indication.

Résultat: Les indications et les limitations correspondent aux conditions de l'étude visant à obtenir l'autorisation, mais elles ne correspondent souvent pas (ou plus) au niveau actuel de la science. En conséquence, il arrive souvent que les oncologues, désireux de traiter leurs patients conformément au niveau scientifique actuel, soient obligés d'utiliser des médicaments hors étiquette. Cet avis est partagé par un groupe de travail commun de la SSMC et de la SSMO (Société Suisse d'oncologie médicale):

"Le groupe de travail mixte off-label-use est fondamentalement d'accord sur le fait qu'il existe des pathologies pour lesquelles il peut être médicalement nécessaire et thérapeutiquement indiqué d'administrer un médicament au-delà des limites autorisées, cette utilisation se basant sur les connaissances médicales généralement reconnues et tenant compte des progrès thérapeutiques. L'objectif est de ne pas priver les patients de la thérapie adéquate."9

L'off-label-use en oncologie n'est pas un problème spécifique de la Suisse. Des questions très similaires font également l'objet de discussions au sein de l'Union Européenne et aux Etats Unis. L'ESMO (European Society of Medical Oncology) estime que le droit de proposer l'élargissement des indications ne doit pas être réservé à l'industrie pharmaceutique, mais doit être étendu aux sociétés médicales spécialisées et autres institutions intéressées.10.

Définition des concepts oncologiques

Comme toute spécialité médicale, l'oncologie utilise en partie un langage et une terminologie qui lui sont propres, ce qui est fréquemment source de malentendus dans la correspondance et les entretiens entre oncologues et médecins-conseils. Voici quelques définitions / explications:

Objectifs thérapeutiques

Thérapie adjuvante:

traitement complémentaire d'une tumeur (par médication et/ou par radiothérapie) intervenant après une intervention chirurgicale à visée curative. Son objectif est la destruction des foyers tumoraux microscopiques éventuellement encore présents (mais non détectables). Cette thérapie permet d'éviter les récidives locales et les métastases éloignées et d'augmenter les chances de guérison. Il est dans la nature des choses que l'effet bénéfique d'une thérapie adjuvante ne peut être prouvé statistiquement que sur la base d'un collectif. Dans un cas isolé, il n'est jamais possible, même rétrospectivement, de déterminer si la guérison n'a pas déjà eu lieu lors de l'intervention chirurgicale (et que la thérapie adjuvante n'était donc pas du tout nécessaire).

Thérapie néo-adjuvante:

traitement d'une tumeur (par médication et/ou par radiothérapie) intervenant avant une intervention chirurgicale à visée curative. Ses deux objectifs sont: d'une part, le traitement préalable vise à réduire le volume de la tumeur et à permettre une opération qui préserve les organes, (par ex. opération préservant le sein dans le cas d'un grand carcinome mammaire ou opération préservant la continence dans le cas d'un grand carcinome rectal). D'autre part, tout comme la thérapie adjuvante, ce traitement a pour but d'éradiquer les micro-métastases, d'éviter ainsi les récidives locales et les métastases éloignées et d'augmenter les chances de guérison. La thérapie néo-adjuvante permet de prouver cliniquement l'effet obtenu, du moins sur la tumeur primaire.

Thérapie paillative:

cette désignation est souvent source de malentendus. En oncologie, thérapie palliative (ou plus exactement: thérapie à visée palliative) désigne un traitement qui, dans le cas d'une maladie incurable, vise à obtenir une réduction (passagère) ou au moins une stabilisation de la tumeur. Ceci doit permettre de soulager les symptômes provoqués par la tumeur, d'améliorer la qualité de vie et (éventuellement) de prolonger le temps de survie. La plupart des traitements médicamenteux permettent d'évaluer dans les 8-12 semaines si l'objectif de réduction de la tumeur a pu être atteint. Le concept "palliatif" n'a donc pas la même définition en oncologie qu'en médecine palliative. Cette dernière traite avant tout et directement les symptômes (par ex. douleur et dyspnée), alors que l'objectif d'une thérapie oncologique dite palliative traite avant tout la tumeur dans le but de soulager indirectement les symptômes.

Evaluation du succès du traitement

Le succès du traitement par radiothérapie et médicaments, s'évalue en termes de définitions et de critères élaborés par des organisations internationales. Pour les tumeurs solides, on utilise généralement les critères RECIST11 (Response Evaluation Criteria In Solid Tumors).

  • Rémission complète (CR): quand une radiothérapie ou un traitement médicamenteux permettent d'obtenir une régression complète de tous les foyers tumoraux, on parle de rémission complète. Une rémission complète est la condition indispensable d'une éventuelle guérison, c.à.d. l'objectif principal de tout traitement curatif.
  • Rémission partielle (RP): une rémission partielle est une régression objectivable, mesurable mais incomplète des foyers tumoraux12.
  • Stabilisation d’une maladie («no change», NC ou «stable disease», SD): on parle de stabilisation lorsque le traitement permet de stopper la croissance de la tumeur pendant au moins six semaines mais pas d'obtenir une rémission partielle.
  • Progression («progressive disease», PD): il y a progression quand la taille de la tumeur13 a augmenté ou que de nouveaux foyers tumoraux sont apparus pendant la thérapie. On parle également de progression dans les cas où la taille de la tumeur a recommencé à augmenter après une rémission passagère.
  • Survie totale et survie sans progression («Overall survival», OAS et «Progression-free survival», PFS): notamment dans les études concernant les «thérapies ciblées» (p.ex. les anticorps monoclonaux ou les inhibiteurs de tyrosine-kinase), l’efficacité d’un traitement est exprimé non pas en taux de rémission mais par survie générale et par survie sans progression. Cette efficacité se mesure depuis le début de la thérapie jusqu’au moment de la progression.

Aspects oncologiques des concepts de la médecine de l'assurance

Indication orpheline

Le concept "indication orpheline" revêt une grande importance14

  • Dans le cas de médicaments limités employés en dehors de la limitation, un remboursement est possible lorsque l’indication n’est pas enregistrée par Swissmedic et qu’il s’agit d’une indication orpheline.
  • Dans le cas de médicaments non-limités, une indication orpheline donne droit au remboursement si certaines conditions sont remplies (p.ex. la preuve de leur efficacité), alors que l’usage off-label au sens strict n’est remboursé que dans des cas exceptionnels.

Problèmes de définition

La liste des spécialités LS (comme l’EMEA) définit l'indication orpheline comme une «maladie qui … ne touche pas plus de 5 personnes sur 10 000»15. Le statut d'orpheline n’est donc pas défini par l'incidence (nombre annuel de nouveaux cas) mais par la prévalence (nombre de personnes souffrant de la maladie à un moment donné). Contrairement à celle de l’incidence, la définition de la prévalence est vague. S’agit-il de la "point prevalence" (prévalence à un moment donné) ou de la "period prevalence" (prévalence pendant une période donnée)? S’il s’agit de la "period prevalence": pendant quelle période? 1 an? 5 ans? Bien entendu, plus la période choisie est courte, plus la prévalence est faible. Les données provenant de Suisse16 indiquent aussi bien la prévalence pendant 1 an que la prévalence pendant 5 ans des tumeurs malignes. Que prendre en compte? Il ne s’agit nullement d’une interrogation académique. Selon la période choisie, le carcinome pulmonaire de l’homme constitue une indication orpheline ou non.

La banque de données suisses citée plus haut12 contient des données de prévalence qui ne concernent que 29 "cancer sites", par ex. "lung" ou "non-Hodgkin Lymphoma". Dans le poumon et parmi les lymphomes non-hodgkiniens, on rencontre des identités tumorales totalement dissemblables tant sur le plan clinique que sur le plan histologique; par conséquent, pour l'oncologue, les thérapies et les pronostics sont complètement différents comme par ex. dans le cas du poumon, le carcinome bronchique à petites cellules et le carcinome bronchique non à petites cellules. Si l’on considère ces pathologies comme deux entités distinctes, elles sont des indications orphelines - indépendamment de la période choisie pour déterminer la prévalence.

Si l'on se base sur les données concernant la prévalence sur 1 an, toutes les tumeurs malignes sont des indications orphelines avec des prévalences < 0.05%, c.à.d. qu'elles concernent moins de 5 personnes/10'000 – sauf les exceptions suivantes:

  • Carcinome prostatique (0.137%)
  • Carcinome mammaire (0.133%)
  • Carcinome colorectal de l'homme (0.063 %).

Dans le cas des carcinomes mammaires et colorectaux, on pourrait toutefois également se demander s’il s’agit-là d’identités tumorales. Pour l’oncologue, le carcinome mammaire avec récepteur hormonal positif n’est pas la même maladie que le carcinome avec récepteur hormonal négatif; le carcinome rectal et le carcinome colique sont deux pathologies différentes. Seul le TFA sera à même de fournir des réponses définitives à ces questions.

Sur demande du fabricant ou de l'importateur, Swissmedic peut donner le "orphan drug

status" à un médicament par une procédure simplifiée. Cet "orphan drug status" peut aussi être donné à des médicaments qui ont déjà été normalement homologués pour d'autres indications. La liste correspondante "Liste des médicaments à usage humain avec statut Orphan Drug" peut être consultée sur Internet (tableau excel)17; on y trouve de nombreuses indications oncologiques. La liste n'est pas exhaustive.

Efficacité

Les textes de lois et les ordonnances ne donnent pas la définition de l'efficacité ou de l'utilité clinique espérée18. Les exigences ne semblent cependant pas être trop sévères – du moins en ce qui concerne les nouvelles substances oncologiques. Ceci peut paraître étonnant au vu des coûts de ces thérapies.

Exemple: Le Sorafenib (Nexavar®) est autorisé pour le traitement de patients souffrant d'un carcinome cellulaire rénal avancé après une néphrectomie et une pré-thérapie palliative ou adjuvante aux Cytokines. L'autorisation a été accordée sur la base d'une étude19 dont les résultats du traitement de ces patients se présentent ainsi:

Nexavar® Placebo
Rémission complète (CR) < 1% 0%
Rémission partielle (PR) 10% 2%
Stable Disease (SD) 74% 53%
Progression-free survival (PFS) (Median) 5.5 mois 2.8 mois
Survie globale (OAS) (Median) 19.3 mois 15.9 mois

On peut en conclure que lors d'une demande de prise en charge, le MC qui doit évaluer l'efficacité (et l'économicité) d'un médicament hors étiquette ne doit pas appliquer de critères plus stricts que Swissmedic et l'OFSP pour l'autorisation du Sorafenib.

Pour la majorité des tumeurs solides, le taux de rémission objectif (CR et PR) obtenu grâce à des cytostatiques est (seulement) de l'ordre de 20 - 40%. Ce qui signifie que tout traitement médicamenteux de la tumeur (y compris celui appelé standard) ne constitue au départ qu'un essai thérapeutique. Ce n'est qu'après 6-12 semaines de thérapie que l'efficacité (l'utilité thérapeutique) d'une thérapie particulière peut être évaluée chez le patient. Sur la base de cette évaluation, on décide alors de continuer ou d'interrompre le traitement. Dans le cas d'un médicament off-label, il peut donc être judicieux de n'accorder qu'une prise en charge provisoire pour une période limitée, tout en exigeant de documenter le succès thérapeutique avant la fin de cette période.

Bien entendu, les valeurs statistiques pour la période de survie moyenne et la vraisemblance de rémission ne permettent pas d’établir un pronostic sur les chances de succès de la thérapie dans le cas de chaque patient. Même si les chiffres statistiques sont peu encourageants, un patient peut tirer grand profit d’une thérapie, surtout si l’on parvient à obtenir une bonne rémission. C’est généralement cette perspective qui pousse l’oncologue à utiliser une thérapie off-label.

Preuve scientifique de l’efficacité

A quelles exigences la "preuve scientifique» de l’efficacité doit-elle satisfaire dans l’usage off-label?

On dispose rarement des «études cliniques contrôlées» exigées par l’OAMal, car pour la plupart des indications de l’usage off-label, le nombre de patients pour réaliser de telles études est insuffisant.

Le groupe de travail SSMC et SSMO cité plus haut a établi des règles20 qui peuvent être également valables pour tout MC:

  • Les études non randomisées sont également acceptées quand elles sont de bonne qualité et qu’elles ont été publiées dans une revue scientifique avec peer review.
  • Les abstracts comme seule preuve ne sont pas acceptés.
  • Sont également acceptés entre autres:
    • Les indications de l’EMEA (European Medicines Agency)21
    • les indications de la FDA 22(Food and Drug Administration, USA)
    • les guidelines de l’ESMO23 (European Society for Medical Oncology)
    • les guidelines de l’ASCO )24 (American Society of Clinical Oncology)

Jurisprudence

Médicaments oncologiques (notamment off-label-use)

En vertu d’une jurisprudence constante du Tribunal fédéral, un usage off-label n’est pris en charge par l’AOS que dans des cas exceptionnels. Pour que la prise en charge soit accordée, il faut être en présence d'un soi-disant «complexe thérapeutique» (cf. ATF 120 V 214) ou d’une affection présentant une menace pour la vie du patient ou pouvant entraîner, en l'absence de traitement alternatif, des problèmes de santé graves et chroniques; dans ce cas, le médicament doit avoir une grande utilité thérapeutique (curative ou palliative). Pour évaluer un usage off-label il faut non seulement tenir compte de l’efficacité thérapeutique, mais aussi du caractère économique.

L’arrêt KV.2007.00049 du Tribunal des assurances sociales du canton de Zurich se prononce entre autres sur la question de savoir quand le critère de «haute utilité thérapeutique» est rempli:

  • Pour comprendre ce qu'on entend par grande utilité thérapeutique, on peut d’abord se référer à la juridiction concernant le principe de l'efficacité d’une thérapie au sens de l’art. 32 al.1 LAMal. Selon cette jurisprudence, dans le domaine de la médecine classique, l’efficacité d’une mesure thérapeutique doit être prouvée selon les critères et les méthodes scientifiques de la médecine conventionnelle. Pour évaluer l’efficacité d’un médicament, il est nécessaire de procéder à une évaluation rétrospective générale basée sur les effets résultants d'une mesure diagnostique ou thérapeutique, ceci indépendamment du cas d'espèces. Une optique individuelle, selon laquelle un contrôle de succès serait effectué quelque temps après le traitement et dont le résultat déciderait si la mesure médicale en question est efficace ou non, ne saurait être déterminante. Il s’agit bien plutôt de déterminer l’efficacité objectivée d’un mode de traitement précis en se basant sur un critère plus général, ce qui suppose des données scientifiques à large échelle, récoltées en règle générale au niveau international. En ce qui concerne les nouvelles méthodes et nouveaux produits «niches» qui arrivent sur le marché médical et qui ne sont souvent ne sont pas soutenus par les moyens financiers des grandes entreprises, il convient de tenir compte du fait qu’elles peuvent parfois ne pas être étayées par des études (préalables) à long terme reposant sur des bases scientifiques trop coûteuses. Ceci ne change cependant rien au fait que pour être jugé au sens du droit de l'assurance-maladie, le traitement médical en question doit – à une écrasante majorité – être considéré fondamentalement approprié dans le domaine scientifique médical concerné.
  • Ainsi donc, la juridiction de la Cour suprême a établit que, pour évaluer si l'on est en présence d'une grande utilité thérapeutique justifiant un usage off-label, on peut se baser sur les conditions auxquelles une autorisation à durée déterminée est accordée pour la délivrance d'un médicament non autorisé dans le cas d'une affection qui menace la vie du patient.

Les arrêts les plus importants:

BGE 130 V 532

Une grande utilité thérapeutique a été reconnue dans un cas où la thérapie prescrite avait permis de prolonger la vie du patient de presqu'une année et où une rémission pratiquement complète d'environ six mois avait été obtenue.

BGE 131 V 349

Prise en charge d'un médicament figurant sans limitation dans la liste des spécialités et administré à une dose supérieure à la posologie maximale autorisée par Swissmedic. Il s’agit également d’un usage off-label, car l'indication médicale et le dosage d'un médicament sont dans un rapport de connexité étroit et indissociable en ce qui concerne l'autorisation et l'admission dans la liste des spécialités.

9C_56/2008 (Arrêt Herceptin)

Au moment où ce médicament a été administré, il s’agissait d’un usage off-label. La question d’une grande utilité thérapeutique pour la patiente concernée est laissée ouverte. Motif: dans ce cas, on ne peut pas faire abstraction du fait qu’Herceptin – pour l'indication faisant l'objet du litige - a été admis dans la liste des spécialités relativement peu de temps après le début de la thérapie. Les frais auraient donc été pris en charge sans problème par l’assurance de base si l’assurée avait été traitée seulement quelques mois plus tard. Dans ces circonstances, il paraissait injuste de refuser la prise en charge des frais. Pour respecter le principe de l'économicité et ne pas créer d’incitations à retarder la procédure d'autorisation pour échapper au contrôle des prix liés à l’admission dans la liste des spécialités, il faut exiger, lors de l'usage off-label, que les frais pris en charge correspondent à ceux qui seraient pris en charge dans le cadre de la fixation des prix lors de l’admission dans la liste des spécialités.

Traitements oncologiques à l’étranger

En règle générale, l’AOS ne rembourse que les traitements effectués en Suisse (Principe de territorialité). Une dérogation au principe de territorialité selon l’art. 36 al. 1 OAMal en association avec l’art. 34 al. 2 LAMal n'est possible que si l’on peut prouver que le traitement ne peut pas du tout être effectué en Suisse ou – dans des cas particuliers – qu’une mesure diagnostique ou thérapeutique pratiquée dans notre pays expose la personne concernée à des risques nettement plus élevés que le traitement envisagé à l’étranger et qu’un traitement approprié, c’est-à-dire tel qu’il est nécessaire pour augmenter les chances de guérison, ne peut pas être fourni concrètement en Suisse. Lorsque le traitement dans une clinique spécialisée à l’étranger n’apporte que des avantages minimes, difficiles à évaluer ou même controversés, ou le fait qu’une clinique spécialisée à l’étranger possède une plus grande expérience dans la spécialité médicale concernée, ne sont pas des «raisons médicales» au sens de l’art 34 al. 2 LAMal.

Jugements:

K 131 V 271

Adénocarcinome du rectum – Prise en charge d’une radiothérapie intraopératoire effectuée aux Etats-Unis, laquelle n’était pas proposée en Suisse. Il existait en Suisse une thérapie standard pour traiter cette maladie. Pas d’obligation de prise en charge, car la thérapie effectuée aux Etats-Unis (imposée par le patient) constituait un traitement "maximaliste". Le fait que le traitement effectué, qui n’était pas proposé en Suisse, diminue le risque de rechute dans une mesure difficile à évaluer, ne suffit pas à justifier une prise en charge par l’assurance obligatoire de soins.

K 1/06

Carcinome mammaire – Prise en charge d’une forme de thérapie «avangardiste» effectuée en Italie et qui n’était pas (encore) dispensée en Suisse. Les avantages de cette forme de thérapie avancés par la patiente ne justifiaient pas une prise en charge, car elle aurait pu bénéficier en Suisse d'un traitement adéquat et efficace sans courir de grands risques.

9C_479/2008

Carcinome du pancréas – Prise en charge d’une radiothérapie interne sélective effectuée en Allemagne. En Suisse, une chimiothérapie palliative avait été effectuée pour le traitement, en Allemagne, il a été procédé à une résection chirurgicale du pancréas suivie d'une radiothérapie interne sélective.

Le fait que le traitement ait été couronné de succès dans ce cas particulier ne saurait être déterminant, car la scientificité et l’efficacité d’un type de traitement ne s'évaluent pas rétrospectivement sur la base du résultat d’un cas isolé. Elles doivent être évaluées préalablement et sur un plan général, sur la base des méthodes scientifiques disponibles, ce qui exclut que l’obligation de prise en charge dépende du déroulement d’un cas particulier. Il n’existe pas d’études démontrant que la radiothérapie interne sélective dans cette situation de traitement (carcinome du pancréas avec métastases du foie) est reconnue scientifiquement. La prise en charge doit donc être refusée, même indépendamment du fait que le traitement ait eu lieu à l’étranger.

K 172/04

Carcinome de la prostate – Brachythérapie (Low Dose Seed Therapy) effectuée aux Etats-Unis. A cette époque, cette thérapie figurait explicitement à l’annexe 1 de l’OPAS comme prestation non prise en charge. Un remboursement des coûts doit donc être refusé à priori (que le traitement ait été effectué aux Etats-Unis ou en Suisse)

Pathologies oncologiques reconnues comme maladies professionnelles (exemple: asbestose)

Des pathologies oncologiques peuvent parfois être reconnues juridiquement comme maladies professionnelles ce qui entraîne l'obligation de prise en charge par l’assurance-accident selon la LAA. Par le passé, le Tribunal fédéral avait été amené à examiner ce problème, notamment en ce qui concerne les conséquences des expositions à l’amiante.

Conformément à la pratique de la SUVA, la maladie professionnelle est reconnue lorsqu’on se trouve en présence d’un mésothéliome malin de la plèvre et que certaines conditions sont remplies (exposition à l’amiante pendant l’activité professionnelle, période de latence d’au moins quinze ans), alors que la reconnaissance d’un cancer des poumons comme maladie professionnelle (provoquée par l’amiante) dépend des critères dits «d’Helsinki». Selon ces critères, pour qu’une maladie professionnelle soit reconnue, il faut qu’une des conditions suivantes soit remplie (SUVA, Medizinische Mitteilungen 2007 p. 61 ss., 64): une dose cumulative de fibres en amiante d’au moins 25 années-fibres suivant l’anamnèse professionnelle; certains résultats de l’analyse des poussières pulmonaires (plus de 2 millions de fibres d’amphibole [longueur de plus de 5 micromètres] ou plus de 5 millions de fibres d’amphibole [longueur de plus d’1 micromètre] par gramme de poids sec de poumon, plus de 5000 particules d’amiante par gramme de poids sec de poumon, plus de 5 particules d’amiante par millilitre de BAL (lavage broncho-alvéolaire); une asbestose (également une asbestose prouvée histologiquement; épaississements bilatéraux diffus de la plèvre vraisemblablement dus à une exposition à l’amiante.

Lorsqu'une maladie professionnelle est reconnue, la question du droit à une indemnité pour atteinte à l’intégrité se pose pour les assurés qui ont été en contact avec de l’amiante pendant leur vie professionnelle et souffrent d’un cancer dû à cette exposition. Six mois après l’apparition de la maladie, la SUVA verse aux assurés une avance correspondant à 40% de l’indemnité pour atteinte à l'intégrité. Si la victime de l'amiante est toujours en vie 18 mois après l’apparition de la maladie, une deuxième tranche de 40% est versée. L’idée de cette disposition est de verser à l’assuré – tant qu'il vit - une indemnité pour préjudices immatériels. Cette pratique est plus généreuse que la jurisprudence du Tribunal fédéral, qui ne prévoit un droit à une indemnité pour atteinte à l’intégrité qu'une fois le traitement curatif et les12 mois de traitement palliatif terminés (ATF 133 V 224).


1 Le concept "off label use" est employé ci-après au sens large, c.à.d. que – sauf mention contraire – il est également utilisé pour l'indication orpheline et l'utilisation en dehors d'une limitation de la LS
2 Communication personnelle Dr. B.Seiler, Helsana
3 NEJM 351:337(2004)
4 Tabernero J et al Phase II Trial of Cetuximab in Combination With Fluorouracil, Leucovorin, and Oxaliplatin in the First-Line Treatment of Metastatic Colorectal Cancer. J Clin Oncol. 25; 5225 (2007)
5 J Clin Oncol. 23;1803 (2005)
6 Karapetis CS et al. K-ras Mutations and Benefit from Cetuximab in Advanced Colorectal Cancer. NEJM 359:1757 (2008)
7 NEJM 346:92-98 (2002
8 ESMO Clinical Recommendations Ann Onc 20; iv 68 (2009)
9 http://www.vertrauensaerzte.ch/expertcom/oncology/methods.html
10 Ann Onc. 18; 1923 (2007) Casali PG The off-label use of drugs in oncology: a position paper by the European Society for Medical Oncology
11 Europ J Cancer 45; 228 (2009)
12 Selon RECIST une diminution de plus de 30% de la valeur initiale du diamètre total de la tumeur.
13 Selon RECIST une augmentation de plus de 20% par rapport à la valeur minimale du diamètre total de la tumeur
14 Instructions LS 823
15 Instructions LS 812
16 http://www.nicer-swiss.ch/
17 www.swissmedic.ch/daten/00081/index.html?lang=de
18 La LAMal stipule à cet égard: Art. 32 Conditions L'efficacité doit être démontrée selon des méthodes scientifiques. L'OAMal:Art. 65a Evaluation de l'efficacité: L'évaluation de l'efficacité des médicaments allopathiques doit être fondée sur des études cliniques contrôlées.L' OPAS: Art. 32 Efficacité. Pour juger de l'efficacité d'un médicament, l'OFSP s'appuie sur des documents qui ont fondé l'autorisation accordée par Swissmedic. Il peut exiger des documents supplémentaires
19 New Engl J Med 356, 125 (2007)
20 Guide de procédure pour la discipline oncologique du Groupe de travail SSMC/SSOM http://www.vertrauensaerzte.ch/expertcom/oncology/methods.html
21 http://www.emea.europa.eu/htms/human/epar/a.htm
22 http://www.accessdata.fda.gov/scripts/cder/drugsatfda/index.cfm
23 http://www.esmo.org/career/practice-tools/esmo-clinical-recommendations.html
24 http://www.asco.org/ASCOv2/Practice+%26+Guidelines/Guidelines

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