Société Suisse des médecins-conseils et médecins d'assurances

15 Aspects économiques

Nouveau, 3ème édition, mai 09

Remarques préliminaires

Strictement parlant, personne ne peut s’assurer contre la maladie, l’accident ou l’invalidité, mais uniquement contre les conséquences économiques de ces risques. Une assurance sur la vie n’assure pas la vie mais le risque du décès, dont la survenance entraîne le paiement d’une somme d’argent. Les assurances sont per se des constructions économiques dont le but principal consiste en la redistribution de moyens financiers dans le cadre de communautés de solidarité.

Ces réflexions sont valables aussi bien pour les assurances sociales que pour les assurances privées qui s’occupent des risques de la santé. La différence principale entre les assurances sociales et les assurances privées ne concerne pas leurs prestations mais leur financement. Les assurances privées sont volontaires et perçoivent des primes les mieux adaptées au risque, alors que les assurances sociales sont obligatoires et ne perçoivent pas (à part quelques exceptions) de primes adaptées au risque.

Les assurances doivent se poser deux sortes de questions déterminantes: premièrement, qui doit payer combien de prime et deuxièmement combien paie l’assurance à qui et à quelles conditions? Dans ce manuel, nous traitons principalement de la deuxième série de questions.

Dans de nombreuses assurances qui assurent les risques pour la santé, la prestation consiste en fait à verser une somme d’argent et il suffit de déterminer si quelqu’un est qualifié ou non pour recevoir ce versement. Les rentes en sont un exemple. Dans le cas des assurances qui assurent les prestations de santé et les coûts qu’elles entraînent, il s’agit de déterminer quelles sont les prestations à prendre en charge et quel est leur prix approprié. Dans le domaine des prestations de santé, il ne s’agit pas seulement de verser de l’argent, comme le démontre clairement le principe des prestations en nature tel que le connaît la Loi fédérale sur l’assurance-accidents (LAMal). Dans ce cas-là, on ne demande pas de payer la prestation, mais de fournir cette prestation elle-même.

La LAMal elle aussi, qui connaît le principe du remboursement des frais, doit se poser la question de savoir quels frais de guérison doivent être pris en charge ou non pour quelles personnes. A cet effet, on a retenu différents critères qui doivent être remplis. Pour l’ensemble des assurances sociales, seules doivent être payées les prestations qui remplissent, entre autres critères, le critère d’économicité.

Ce chapitre traite de certains aspects économiques qui peuvent être importants pour la médecine de l’assurance. Mais il ne traite pas ce que l’on appelle l’économie de l’assurance, qui s’occupe principalement de l’évaluation des risques et du financement de ces risques.

La pensée économique et le concept d’économicité

Le point de départ de la pensée économique est l’idée que d’une part les besoins humains sont illimités mais que de l’autre les moyens dont on dispose pour les satisfaire sont limités. Nous ne vivons pas au pays de Cocagne, où tout se trouve en abondance. Le mot économie vient du grec «oikos» qui signifie «gérer le budget du ménage». La pensée économique se réfère à des décisions sélectives dans une situation de relative pénurie.

Prendre une décision signifie que l’on dispose de deux alternatives et qu’en se décidant pour l’une on se décide en même temps contre l’autre. Cette renonciation entraîne ce qu’on appelle des coûts d’opportunité, qui sont occasionnés par le fait qu’on renonce à la deuxième alternative. Par exemple, les prestations de santé occasionnent des coûts d’opportunité sous la forme des ressources investies, telles que le temps et l’argent, qui auraient pu être utilisées ailleurs. D’une part, ces ressources auraient pu être utilisées différemment à l’intérieur même du système de santé, d’autre part elles auraient pu l’être dans des domaines tout à fait différents. Cette situation est illustrée par la phrase célèbre de Milton Friedman: «There is no such thing as a free lunch.»

Mais la pensée économique ne signifie pas que quelque chose doit engendrer le moins de frais possible ou doit être le meilleur marché possible. Ce qui importe plutôt pour l’économicité, c’est le rapport entre les coûts (input) et l’effet/le résultat (output).

Pour calculer ce rapport, on distingue le principe du maximum et le principe du minimum. Le principe du maximum demande d’obtenir un effet maximum pour une quantité de frais donnée. Le principe du minimum demande d’obtenir un effet donné avec un minimum de frais.

L’amélioration du rapport coût-effet entraîne une amélioration de l’efficacité. Le concept de rationalisation décrit également l’incidence d’une telle amélioration du rapport coût-effet.

En revanche, le concept de rationnement se réfère à une situation dans laquelle une prestation qui en soi peut produire un effet ou avoir une utilité n’est pas fournie. Les marchés sont par exemple des mécanismes de rationnement, dans la mesure où seuls les demandeurs ayant une capacité et une volonté de paiement suffisantes obtiennent une certaine marchandise ou une certaine prestation. Avec juste raison, le mécanisme de régulation du marché a été exclu en grande partie du système de santé. Souvent, les prestations ne coûtent rien à l’individu au moment où il les consomme, ce qui crée un problème: dans la perception du demandeur, un produit ou une prestation ne coûte rien et ainsi la demande est plus importante que si le prix, qui en général devrait couvrir les frais, devait être payé par le demandeur. Le système de santé se voit ainsi confronté à une tendance à consommer jusqu’à saturation. Du point de vue économique, cette situation n’a pas de sens, car on consomme trop.

Strictement parlant, toute réduction par rapport à cette quantité de saturation serait un rationnement, car une prestation qui en soi peut avoir une utilité n’est pas fournie, même si par exemple l’effet est minime et si les coûts sont importants. Ceci montre bien que la revendication selon laquelle «le rationnement ne doit pas exister dans le système de santé!» n’a pas de sens. La question n’est pas de savoir s’il faut ou non rationner mais comment il faut rationner. Dans ce cas-là, les économistes ne parleraient pas de rationnement, mais d’une répartition plus efficace des ressources (ce qui équivaut à empêcher un gaspillage de ces ressources).

Cela signifie aussi que la pensée économique et l’éthique ne sont pas forcément contradictoires. Un maniement prudent de ressources limitées comprend une dimension éthique, et c’est un gaspillage qui serait contraire à l’éthique.

Economicité dans le contexte de l’efficacité et de l‘opportunité

EAE d’un point de vue de l’économie de la santé

Dans l’art. 32 LAMal, l’économicité est le troisième critère énoncé à côté de l’efficacité et de l’adéquation. Il est donc lié aux deux autres critères et ne doit jamais être pris seul en considération.

Il est très important de distinguer d’abord les deux niveaux de considération (cf. fig. 1). S’agit-il de vérifier ces critères au niveau général ou dans un cas particulier? Ces deux niveaux sont prévus par le texte de la loi. La vérification au niveau général concerne le niveau du système et la question de savoir si, par principe, une prestation doit être prise en charge ou non par l’assurance sociale. Il s’agit de déterminer si la prestation doit être contenue dans le catalogue des prestations proposées et remboursées. Ici, ce sont les critères d’efficacité et d’économicité qui sont pertinents sur le plan général et sur le plan du système. Ces deux critères sont étroitement liés.

Le critère primaire et le plus important est celui d’efficacité. Il s’agit alors de déterminer si une certaine prestation peut réellement conduire à l’effet souhaité. Selon l’art. 32 LAMal, cette preuve doit être apportée avec des méthodes scientifiques. Si l’efficacité des prestations est vérifiée en effectuant des études scientifiques, on parle de «Evidence Based Health Care». On fait parfois une distinction supplémentaire entre l’efficacité dans des conditions contrôlées (angl.: efficacity), qui est typique des études cliniques, et l’efficacité dans des conditions réelles (angl.: effectiveness). En règle générale, l’efficacité prouvée dans des conditions contrôlées est meilleure que celle prouvée dans des conditions réelles, car dans le premier cas le choix du patient est plus précis, la réalisation de l’intervention est mieux contrôlée et la compliance du patient est plus élevée.

C’est seulement une fois que l’efficacité est établie que l’on peut, dans une deuxième étape, vérifier l’économicité. Une prestation qui n’est pas efficace ne peut pas être économique. En revanche, une prestation efficace n’est pas forcément économique. Car l’économicité dépend du rapport coût-effet. Ou en d’autres termes: quel est le rapport entre le supplément d’effet ou de bénéfice et le supplément de coûts? Le critère d’économicité est donc un critère secondaire, mais plus strict que le critère d’efficacité. Selon la loi, seule une prestation qui remplit les deux critères peut être admise dans le catalogue des prestations.

Cela peut-il fonctionner? Quel est le rapport coût/bénéfice
Cas général Efficacité Economicité
Cas Adéquation

Figure 1: Critères EAE

Dans nos considérations, les critères d’efficacité et d’économicité sont examinés pour un cas moyen statistique et se réfèrent donc au niveau du système de soins. Il en va autrement du critère d’adéquation, qui se réfère au cas particulier. Si une prestation est fondamentalement efficace et économe, il faut également vérifier son adéquation. Pour répondre au critère d’adéquation, une prestation doit d’abord, dans le cas concret, être en mesure d’obtenir l’effet souhaité et, deuxièmement, être fournie de telle manière que les ressources sont utilisées de façon économe. Dans cette définition, le critère d’adéquation comprend une composante d’efficacité et une composante d’économicité, chacune se référant au cas particulier.

  • Premièrement, une prestation adéquate est une prestation pour laquelle, dans le cas concret d’un malade avec une certaine indication, les effets positifs escomptés dépassent globalement les effets secondaires escomptés. Une prestation inadéquate est donc une prestation pour laquelle on peut escompter qu’elle est inutile pour le patient ou même, dans un cas extrême, qu’elle nuit à sa santé. Cet aspect de l’adéquation correspond ainsi à l’efficacité appliquée au cas particulier.
  • Une prestation adéquate est une prestation qui est produite de façon économique, même dans le cas particulier. Si le même effet peut être obtenu pour des coûts nettement inférieurs, la fourniture de la prestation plus chère ne se justifie pas. Si par exemple une prestation peut être fournie en soins ambulatoires à un coût nettement inférieur à ceux en séjour hospitalier (et en escomptant le même outcome), c’est la prestation en soins ambulatoires qui est adéquate. Si l’effet ou le bénéfice est différent pour le patient avec deux sortes de prestations possibles, le rapport entre la différence de coût et le bénéfice supplémentaire doit être adéquat. Ceci permet de remplir le critère d’adéquation qui correspond au critère d’efficacité appliqué au cas particulier concret.

EAE dans l’application du droit

Les procédures devant les tribunaux s’occupent de cas particuliers. Il faut donc appliquer les critères au niveau de ces cas particuliers. Bien entendu, il y a toujours un rapport avec l’efficacité et l’économicité en général. Il va de soi qu’il est également possible d’estimer si une prestation est fondamentalement efficace et fondamentalement économique pour un cas particulier. Si cette réponse est négative, la conclusion logique serait que cela ne peut pas non plus être le cas pour le cas particulier considéré.

En Suisse, la pratique juridique examine les trois critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité dans cet ordre-là (cf. ATF 127 V 138, p.146 ss.). Pour la question de l’efficacité, on se base également sur l’efficacité en général, qui doit être prouvée en premier. On examine alors l’adéquation dans le cas particulier et finalement l’économicité dans le cas particulier. Dans le domaine juridique, le concept est légèrement différent de celui appliqué dans le domaine de l’économie de la santé. Au sens juridique, l’adéquation n’est vérifiée qu’en ce qui concerne les composantes de l’efficacité (cela peut-il fonctionner?). La question de l’économicité est également vérifiée pour le cas particulier, mais pas au niveau général. L’économie de la santé verrait ici également un aspect de l’adéquation.

Evaluation en économie de la santé

La question de l’économicité en général est examinée scientifiquement à l’aide d’évaluations en économie de la santé. Dans le domaine de l’économie de la santé, deux types de base d’évaluations d’économicité se sont établis (Fig. 2). On peut distinguer deux catégories principales d’évaluations: les évaluations comparatives et les évaluations non comparatives.

Les évaluations non comparatives examinent uniquement les frais, sans tenir compte du résultat ou des effets. Les études comparatives examinent aussi bien les frais que les effets.

Evaluations en économie de la santé
non comparatives comparatives
Analyse des coûts(Cost-Analysis) Analyse du coût de la maladie(Cost-of-Illness-Analysis) Analyse coût-coût(Cost-Minimization-Analysis) Analyse coût-bénéfice(Cost-Benefit-Analysis) Analyse coût-efficacité(Cost-Effectiveness-Analysis) Analyse coût-utilité(Cost-
Utility-Analysis)

Figure 1: Evaluations en économie de la santé

Evaluations non comparatives

Analyse des coûts

Le type le plus simple d’évaluation en économie de la santé est une simple analyse des coûts. Dans ce cas-là, les coûts sont calculés par catégories et additionnés. Cette analyse permet par exemple de calculer tous les coûts dans un hôpital pour un certain groupe de malades (DRG).

Etudes du coût de la maladie (Cost-of-Illness-Studies)

Les études du coût de la maladie calculent le coût total d’une certaine maladie ou d’un facteur de risque pour une certaine période (le plus souvent une année). Ce genre de calcul est caractérisé par une perspective économique, ce qui signifie que tous les coûts sont additionnés, indépendamment de l’endroit de la société où ils ont été occasionnés (dans le système de santé, chez l’employeur, chez l’individu). Les types de coûts suivants sont calculés et additionnés:

  • Frais directs: Coûts de la consommation de ressources dans le système de santé (p.ex. frais d’hospitalisation, médecin, médicaments)
  • Coûts indirects: Coûts de la perte de productivité par absentéisme (absence du lieu de travail) et présentéisme (présence mais productivité réduite)
  • Coûts intangibles (perte de la qualité de vie, p.ex. à la suite de douleurs, de peur)

Les versements effectués par les assurances sociales ne représentent pas de coûts à l’échelle de la société. Les économistes qualifient ces prestations de transferts, car il s’agit de versements effectués d’un sujet économique à l’autre.

Les études du coût de la maladie ont souvent la fonction de souligner l’existence d’un domaine problématique, dans lequel, à l’échelle de la société, de nombreuses ressources sont consommées. Mais ceci ne veut pas encore dire qu’il soit judicieux de prendre des mesures dans ce domaine. Ceci n’est judicieux que si l’on dispose de possibilités d’intervention efficaces et économiques.

Evaluations comparatives

Les évaluations comparatives sont des études élaborées à l’aide de méthodes scientifiques et caractérisées par le fait qu’elles comparent aussi bien les coûts (inputs) que les conséquences (outputs). Ceci signifie que l’économicité ne peut être prouvée qu’avec des interventions comparatives. Ces études sont toujours effectuées pour des types statistiques et non pas pour un cas particulier concret.

Dans tous les quatre types de base, les coûts peuvent être évalués en termes monétaires. Le principe utilisé pour calculer les coûts est le même. Ces différents types d’études se distinguent par leurs différentes façons d’évaluer les conséquences, c’est-à-dire les outputs.

Pour évaluer l’économicité, il convient de prendre en compte l’efficacité dans les conditions réelles (angl.; effectiveness), car on risque sinon de surévaluer l’économicité.

Le concept d’analyse coût-bénéfice est parfois utilisé comme terme générique désignant l’ensemble des évaluations comparatives. Mais il désigne également l’un des quatre types d’analyse brièvement décrites dans les lignes suivantes. Le terme technique français est accompagné de son équivalent anglais. (Pour plus de détails, nous vous renvoyons aux publications traitant de ce sujet: Drummond 2005, Schöffski 2002).

Analyse de minimisation des coûts (Cost-Minimization-Analysis)

L’analyse de minimisation des coûts peut être appliquée quand deux interventions ont le même résultat. Dans un tel cas, il suffit de comparer les coûts. L’intervention qui entraîne les coûts les plus bas est celle qui est la plus économique. Ce type d’analyse prend implicitement en compte les conséquences. C’est pourquoi elle fait partie de la catégorie des analyses comparatives.

Analyse coût-bénéfice (Cost-Benefit-Analysis)

Un type d’analyse classique en économie est l’analyse coût-bénéfice (au sens le plus strict du terme). Elle calcule non seulement les coûts, mais chiffre également les résultats en valeurs monétaires. Ceci a l’avantage de permettre de comparer les coûts et les résultats. Si le résultat net est positif, la mesure est considérée comme économiquement favorable.

Par son principe, l’analyse coût-bénéfice présente des similitudes avec le compte des investissements. C’est pourquoi elle permet aussi de calculer un return on investment (ROI). L’analyse coût-bénéfice est la seule analyse économique comparative qui puisse être calculée pour une intervention unique. Car pour simplifier on peut la définir en ces termes: Si le bénéfice d’une mesure, exprimé en valeur monétaire, est supérieur aux coûts exprimés en valeur monétaire, la mesure vaut la peine d’être prise, sinon ce n’est pas le cas.

L’inconvénient de cette forme d’analyse pour le système de la santé est dû au fait que, dans ce domaine, il arrive souvent que le résultat ne puisse pas se calculer en termes monétaires, mais s’exprime sous forme de valeurs cliniques, d’une durée de vie plus longue ou d’une meilleure qualité de vie.

Analyse coût-efficacité (Cost-Effectiveness-Analysis)

L’analyse coût-efficacité compare les coûts de deux interventions (ou plus) calculés en valeurs monétaires avec le résultat en valeurs réelles. Ces valeurs dites réelles peuvent prendre la forme d’indicateurs tout à fait différents, comme par exemple les années de vie gagnées, les journées sans douleurs, la réduction des infections, la baisse de la pression artérielle. Mais pour pouvoir effectuer cette forme d’évaluation, il faut se limiter à un seul indicateur d’outcome, car sinon la comparaison n’est pas possible.

Il arrive que des études calculent les coûts et les comparent à plusieurs paramètres de résultats. On parle alors d’une «analyse coût-conséquences». Ce type d’analyse ne permet pas de parvenir à des conclusions incontestables, car il suppose ou bien une pondération des critères ou bien une perspective uniquement qualitative des différent avantages et inconvénients.

Analyse coût-utilité (Cost-Utility-Analysis)

L’analyse coût-utilité est une forme particulière de l’analyse coût-efficacité qui mesure les résultats sous forme de valeurs d’utilité. L’indicateur d’utilité doit être construit de manière à éliminer l’inconvénient de l’analyse coût-efficacité, qui ne peut utiliser qu’une seule valeur.

En principe, plusieurs valeurs peuvent servir d’indicateur d’utilité. Les plus répandues dans les évaluations en économie de la santé sont les QALY. Cette abréviation signifie Quality Adjusted Life Years, c.à.d. années de vie pondérées pour la qualité gagnée. Les QALY ont l’avantage de pouvoir être utilisés pour toutes les prestations dont a profité le patient dans le système de santé et permettent ainsi de comparer des prestations tout à fait différentes en ce qui concerne leur efficacité et leur économicité.

Pour simplifier, on peut dire que le principe du QALY repose sur l’idée de base que toute prestation de santé devrait viser à améliorer (au moins) l’une des deux dimensions «durée de vie» ou «qualité de vie» d’un patient. Les QALY sont des mesures prenant en compte ces deux dimensions. La première dimension est constituée par la durée de vie en années et l’autre dimension par la qualité de vie indiquée sur une échelle allant de 0 (=décès) à 1 (santé parfaite). Les deux valeurs durée de vie et qualité de vie sont alors multipliées et on obtient alors une valeur correspondant à une année de vie pondérée pour la qualité de vie gagnée (QALY). Par exemple, 5 années de vie en parfaite santé correspondent à (5 X 1) 5 QALY. De même, 10 années de vie avec un indicateur de santé de 0.5 (10 x 0.5) correspondent à 5 QALY. Dans ce concept, ces deux situations sont donc équivalentes. Le concept de QALY impliquant une forte simplification, il fait l’objet de nombreuses critiques (en partie tout à fait justifiées). Cependant, ce concept s’est imposé dans la pratique et il a indéniablement fait ses preuves.

La figure 3 montre la comparaison entre deux situations, l’une avec traitement et l’autre sans traitement. Les surfaces situées au-dessous de la courbe représentent graphiquement les QALY. Il arrive qu’un traitement entraîne tout d’abord la perte de QALY, avec l’objectif de les compenser largement plus tard sous forme d’une meilleure qualité de vie et d’une durée de vie plus longue. Le solde entre la totalité des QALY gagnés et perdus représente le résultat pertinent du traitement en comparaison avec une situation sans traitement.

Figure 3: QALY

Le résultat d’une analyse coût-utilité se traduit par une valeur représentée en «coûts par QALY». On a ainsi obtenu une mesure de l’économicité qui peut être utilisée pour des comparaisons. Comme nous l’avons déjà souligné, cette méthode fait preuve d’une étonnante élégance théorique mais n’en présente pas moins quelques problèmes de méthode (qu’on pourrait qualifier d’ «effets secondaires»).

Représentation de l’économicité et valeurs limites

Il est possible de représenter graphiquement l’économicité dans ce qu’on appelle un «diagramme coût-efficacité» (Fig. 4). Il comprend deux dimensions: la différence d’effet et la différence de coût. Ce schéma permet de comparer une intervention (INT 1 ou INT 2) avec une autre intervention (COMP) qui représente l’intervention de comparaison au point zéro du diagramme. Cette intervention de comparaison peut être une intervention actuellement souvent pratiquée (étalon-or) ou une intervention zéro, donc «ne rien faire».

Si une intervention est comparée à une autre en ce qui concerne la différence d’effet et la différence de coût, il y a plusieurs possibilités différentes qui se distinguent toutes par le fait que l’intervention à comparer est à la fois meilleure et plus chère. Il y peut y avoir d’autres cas moins intéressants pour l’économie de la santé. Ce sont ceux où quelque chose est «plus cher et de plus mauvaise qualité» ou «meilleur marché et de meilleure qualité». On peut renoncer à la première chose et utiliser la deuxième sans réfléchir bien longtemps.

Dans le système de santé, un grand nombre d’innovations (mot-clé: «progrès technique») entraînent des coûts plus élevés. D’un point de vue de l’économie de la santé, de telles interventions doivent être contrôlées plus soigneusement en ce qui concerne leur économicité. Une intervention peut être «bien meilleure et seulement un peu plus chère» qu’une autre (INT 2). Alors elle est économique. Mais elle peut aussi être «seulement un peu meilleure, mais beaucoup plus chère» (INT 1) et ainsi elle n’est pas économique.

La figure 3 montre clairement que le critère d’économicité est certes un critère moins important mais qu’il est plus strict. Les deux interventions (INT 1 et INT 2) remplissent le critère d’efficacité mais seule l’une d’entre elles (INT 2) remplit le critère d’économicité.

Le diagramme coût-efficacité montre très clairement que l’économicité ne représente pas seulement la différence de coûts, mais le rapport entre la différence de coûts et la différence d’effets. En économie de la santé, ce rapport est appelé ICER (Incremental Cost-Effectiveness-Ratio). Le résultat d’une analyse coût-utilité peut par exemple montrer que, en comparaison avec l’intervention effectuée jusque là (COMP), la nouvelle intervention (INT) entraîne des coûts supplémentaires de EUR 10'000 par QALY supplémentaire gagné. En revanche, une intervention dont l’ICER se monte à EUR 5'000 par QALY serait plus économique et une intervention dont l’ICER se monte à EUR 50'000 par QALY serait moins économique. Plus l’inclinaison de la droite reliant la nouvelle intervention au point d’origine est importante, moins l’intervention est économique.

Le point essentiel, c’est de déterminer où est la limite à partir de laquelle une prestation n’est plus considérée comme économique. Si l’on utilise une unité de mesure (ICER) qui se réfère aux coûts par QALY, on obtient une mesure qui exprime une somme d’argent par unité d’utilité. Dans ce cas, ce sont des années de vie pondérées pour la qualité gagnée.

Figure 1: Diagramme coût-efficacité

En fin de compte, il s’agit de savoir quel montant d’argent peut être considéré comme économique ou non par vie humaine (statistique). Il s’agit donc de fixer une valeur limite. Ce n’est pas une question économique, mais politique. La question de savoir s’il y a une valeur limite («threshhold») et de déterminer l’endroit où la situer a donné lieu ces dernières années à d’intenses discussions. En observant les décisions prises par des autorités sanitaires anglaises et australiennes lors de procédures d’agrément de médicaments, on a remarqué que cette limite est située à GBP 20-30'000 et à AUD 40-80'000 par QALY. Si la valeur d’un médicament est inférieure à ces limites, le produit sera remboursé sans grands problèmes dans ces pays. Dans le cas contraire, il ne le sera pas.

Ainsi, on introduit implicitement une valeur limite par vie humaine ou année de vie sauvée statistiquement. De nombreux non-économistes estiment qu’on a franchi là une limite éthique car en quelque sorte une vie humaine n’a pas de prix. Celui qui qualifie une telle limite de non éthique exige par là-même que cette limite soit repoussée à l’infini et méconnaît ainsi le fait que les ressources d’une société ne sont pas illimitées. Cette démarche vise à maximiser le nombre de QALY. Il est important de souligner que ces réflexions ont une importance quand il s’agit de d’admettre une prestation dans le catalogue des prestations ou d’apprécier des risques.

Pour la Suisse, on ne connaît pas encore de cas dans lequel une intervention en soi efficace n’a pas été admise au catalogue en raison de son manque d’économicité. Mais, avec la croissance des possibilités technologiques, l’augmentation de la demande, les changements démographiques et la pénurie des ressources, il pourrait en être autrement à l’avenir.

La jurisprudence suisse et la question des valeurs limites économiques

Les instruments de mesure des évaluations effectuées dans le domaine des coûts de santé peuvent servir pour juger un patient statistique, mais non pas un cas particulier concret. En revanche, le principe consistant à comparer les coûts et les bénéfices supplémentaires pour évaluer l’économicité est également valable pour le cas particulier concret.

L’économicité est ainsi également évaluée dans le cas particulier: les coûts et les bénéfices supplémentaires de deux prestations ayant le même objectif sont examinées et comparées avec soin.

Un exemple tiré de la pratique est la meilleure illustration de ce processus. Il existe par exemple des arrêts du Tribunal Fédéral sur la question de savoir si, dans des cas concrets, il faut rembourser les coûts plus élevés (pour l’ assureur-maladie) des soins à domicile (Spitex) ou ceux plus favorables des maisons de retraite. Quand le Tribunal Fédéral a conclu que les soins à domiciles étaient plus efficaces et plus adéquats, il a accepté un supplément de coûts allant jusqu’au facteur 4. Dans les cas où le Tribunal a conclu à une équivalence, les suppléments de coûts ont été acceptés jusqu’à 50% (cf. les détails de la jurisprudence mentionnés dans le chapitre sur la gériatrie).

Health Technology Assessment (HTA)

Les analyses effectuées en économie de la santé sont souvent intégrées à un «Health Technology Assessment» (HTA). Dans ce cas-là, ils ont pour objectif d’effectuer une évaluation la plus détaillée possible de technologies nouvelles onéreuses et controversées dans le domaine de la santé. Le concept de technologie s’entend ici au sens large et englobe toutes les interventions préventives, diagnostiques et thérapeutiques du domaine de la santé. L’HTA sert de base aux décisions politiques déterminant l’admission au remboursement dans le cadre du système de santé (Reimbursement). Les questions abordées dans un HTA peuvent être très différentes suivant l’objectif de la vérification. Elles peuvent concerner l’efficacité et l’économicité, mais aussi des sujets éthiques, sociaux, juridiques et politiques.

L’HTA est déjà très répandu et en cours d’expansion dans un grand nombre de pays. C’est particulièrement le cas des pays ayant un système de santé financé par les impôts, comme p.ex. l’Angleterre, l’Australie, le Canada ou les pays scandinaves. Mais ces dernières années, l’HTA a également pris de l’importance dans les systèmes d’assurance sociale, comme en Allemagne ou en France.

De nombreux pays ont maintenant leur propre agence HTA qui réalise ce type d’études. Vous trouverez une bonne vue d’ensemble de ces agences sur le site Internet de l’organisation internationale INAHTA, au sein de laquelle elles sont regroupées.

La Suisse ne dispose pas de sa propre agence HTA, et il n’est pas prévu qu’il en soit créé une dans un futur proche. L’ensemble des organisations actives dans le domaine de l’HTA sont regroupées au sein du Swiss Network for Health Technology Assessment (SNHTA) qui est coordonné par l’Office fédéral de la santé publique (OFSP). www.snhta.ch

Mais on peut s’attendre à ce que, en Suisse aussi, les méthodes appliquées par l’HTA soient plus souvent utilisées à l’avenir.

Littérature

Bundesamt für Gesundheit (BAG) (2004) Wirtschaftlichkeit von Spitex Pflege. In: Kranken- und Unfallversicherung: Rechtssprechung und Verwaltungspraxis, S. 137-142. Bern: BAG

Drummond, M.F., Sculpher, M.J., Torrance, G.W., O'Brien, B.J. and Stoddart, G.L. (2005) Methods for the Economic Evaluation of Health Care Programmes. 3rd ed., Oxford: Oxford University Press.

Schöffski, O. and Schulenburg, J.-M.v.d. (2002) Gesundheitsökonomische Evaluationen. Berlin: Springer.

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