Société Suisse des médecins-conseils et médecins d'assurances

7 Droit

Update, 3ème édition, décembre 08

Introduction

Sorte d’interface vivante entre la médecine et l’assurance, le médecin-conseil doit avoir quelques notions de droit. Interlocuteur fréquent du juriste pour son assureur, il doit donner des avis médicaux tout en sachant garder à l’esprit les réalités juridiques.

Dans une intention pragmatique, nous définirons dans ce chapitre quelques concepts juridiques courants et mentionnerons quelques jurisprudences utiles en matière d'assurances sociales du Tribunal fédéral (TF, appelé Tribunal fédéral des Assurances ou TFA jusqu'à fin 2006).

Mise à part la Loi fédérale sur la Partie Générale du droit des assurances sociales (LPGA) (voir 7.2 ci-dessous), le domaine de l’assurance-maladie sociale est réglementé principalement par trois actes législatifs et les interprétations judiciaires qui en découlent:

  • la Loi fédérale du 18 mars 1994 sur l’Assurance-Maladie (LAMal);
  • l’Ordonnance du Conseil fédéral du 27 juin 1995 sur l’Assurance-Maladie (OAMal);
  • l’Ordonnance du Département fédéral de l’intérieur du 29 septembre 1995 sur les prestations de l’assurance des soins (OPAS);
  • la jurisprudence des tribunaux cantonaux et du Tribunal fédéral des assurances.

Comme le veulent les principes juridiques, les ordonnances sont destinées à expliquer et mettre en pratique les règles exposées dans la loi, sans jamais la contredire. C’est donc dans la loi que les auteurs des ordonnances trouvent la description de leur compétence réglementaire. La jurisprudence permet de trancher les litiges en cas de divergences d’interprétation de textes existants, de combler les lacunes des actes législatifs ou de trancher en cas de situation nouvelle.

Coordination des assurances sociales par la LPGA

C’est dans un souci d’uniformisation que la Loi fédérale sur la Partie Générale du droit des assurances sociales du 6 octobre 2000 (LPGA) a été conçue: chaque loi d’assurance sociale contient certes des règles qui lui sont spécifiques mais aussi d’autres qui se retrouvent presque identiques dans les autres domaines d’assurance. Le but de la LPGA est de ­réunir ce tronc commun dans une loi spécifique que l’on peut dépeindre à grands traits comme suit, en n’abordant que les dispositions concernant les médecins-conseils.

Assurances sociales concernées

Toutes les assurances sociales sont concernées par le domaine d’application de la LPGA sauf une, et non des moindres, la prévoyance professionnelle (2e pilier, LPP).

Unité …

Grâce à la LPGA, il y a désormais une réglementation unique, par exemple, concernant l’avance de prestations en cas de doute au sujet de l’idée de l’assureur concerné (art. 70 LPGA). De même, la notion de maladie, d’accident, d’incapacité de travail, d’invalidité, d’employeur, de domicile, etc. sera la même pour tous les assureurs sociaux (art. 3 à 13 LPGA).

Lorsqu’un assuré veut faire valoir ses droits, il a droit à recevoir une décision formelle qu’il pourra contester par voie d’opposition puis, si le désaccord persiste, devant les tribunaux des assurances (art. 49 LPGA). A noter que la procédure de contestation suit un chemin différent en assurance invalidité: la procédure d'opposition n'existe pas et qui veut contester une décision de l'AI doit en appeler directement aux tribunaux.

Pour rester au plan formel, la législation institue encore des règles de «procédure administrative», entre autres des règles sur le maintien du secret, sur la collaboration de l’assuré à l’instruction ou encore l'obligation de renseigner (art. 27 et ss LPGA).

… dans la diversité

Dans l’esprit de consensus qui a présidé à la conception de la LPGA, on s’est cependant employé à tenir compte des spécificités de chaque assurance sociale. On a donc toléré que chaque loi d’assurances sociales institue des dérogations aux règles uniformes de la LPGA.

Pour illustrer le système des dérogations, on peut consulter l'art. 42 al. 1 LAMal. La LPGA interdit aux assurés de céder leurs créances contre l’assureur à des tiers, même au prestataire qui a dispensé les soins (art. 22 LPGA). Par contre, pour le domaine de l’assurance-maladie, la LAMal crée une dérogation au principe de la LPGA: le médecin a le droit d’encaisser lui-même une facture auprès de l’assurance, même en système tiers garant, si le patient l’y autorise, en lui signant un acte de cession pour sa facture.

La position du médecin-conseil, comme instance spécifique à la LAMal, est régie uniquement par cette loi, spécialement l'art. 57 LAMal, puisque la LPGA ne s'applique pas aux domaines des relations avec les prestataires de soins (art. 1 LAMal).

De même, la LPGA n’est pas une base légale valable pour fonder le droit à une prestation nouvelle jusqu’ici non concédée par la LAMal.

Quelques règles intéressantes

Expertise (art. 44 LPGA): la loi codifie le principe qui veut que l’assuré soit consulté au sujet du choix de l’expert indépendant lorsque l’assureur doit y faire appel pour élucider des faits (cf 7.9 ci-dessous).

Transaction (art. 50 LPGA): il est désormais permis aux assureurs-maladie de passer des transactions avec leurs assurés pour leur concéder certaines prestations.

La possibilité de transiger est limitée au secteur des prestations et elle servira à simplifier le règlement des cas, notamment lorsque

  • l’état des faits est peu clair;
  • le montant des prestations est modeste;
  • la loi laisse une marge d’appréciation à l’assureur.

La transaction n’est par contre pas un instrument dont assureur et assuré pourraient se servir pour rémunérer d'un commun accord des prestations nouvelles, contestées scientifiquement ou non enregistrées.

Notions de base

Assurance-maladie sociale, assurance privée

L’assurance-maladie pratiquée par les assureurs reconnus relève de deux mondes chacun régi par des règles particulières: celui de l’assurance sociale (pour l’assurance obligatoire des soins et l’assurance facultative d’une indemnité journalière) et celui de l’assurance privée (pour les assurances complémentaires par exemple pour patients privés, hospitalisation, médecine parallèle).

Pour les branches relevant de l’assurance-maladie sociale (assurance de soins de base et indemnités journalières facultatives), les assureurs remplissent une fonction de droit public, au même titre que les caisses de compensation AVS/AI. Ils sont donc soumis à quelques entraves à leur liberté d’organisation et de réglementation: le contenu de l’assurance est, par exemple, fixé uniformément par la loi et il n’y a donc plus de place pour des prestations bénévoles, commerciales. Les assureurs ne peuvent pas exclure les traitements médicaux d’une couverture par le biais d’une réserve. L’Office Fédéral de la Santé Publique (OFSP) assure la haute surveillance de ces branches d’assurance.

Lorsqu’ils évoluent dans le domaine de l’assurance privée, en offrant des assurances complémentaires, les assureurs jouissent par contre d’une bien plus grande liberté, à tout point de vue. Placés ici dans la même position que n’importe quel entrepreneur, ils passent des contrats avec leurs clients selon les modalités qui semblent adéquates aux deux parties, peuvent aller jusqu’à refuser de conclure de tels contrats ou n’accorder des couvertures qu’avec exclusion totale d’un risque (principe de la liberté contractuelle). Posséder un plan d’assurance financièrement bien étayé et approuvé par l’Office Fédéral des Assurances Privées (OFAP) est en définitive la principale exigence que l’on pose dans ce système.

Maladie

La notion de maladie retenue dans la loi découle de la pratique du TFA (RJAM 1974, p. 138). C’est par la négative, que l’on a défini la maladie: «Par maladie, on entend toute atteinte à la santé physique, mentale ou psychique qui n’est pas due à un accident et qui exige un examen ou un traitement médical ou provoque une incapacité de travail.»1 Cette définition par la négative permet d’éviter des lacunes de couverture et des recouvrements inadéquats avec la notion d’accident. Elle est également assez stricte pour éviter l’extension à une assurance-santé: une vraie pathologie est nécessaire; elle ne couvre pas les mesures visant uniquement au bien-être. La notion de maladie déterminante pour les assurances reste définie en fonction de l'atteinte à la santé, sans aller jusqu'à englober la maladie selon le modèle bio-psychosocial (ATF 127 V 294, ATF I 629/06 du 6 juillet 2007).

Accident

L’accident est défini comme recouvrant «toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique»2. La définition est subjective, c’est-à-dire que ce qui peut passer pour «extraordinaire» chez une personne peut parfois être ordinaire chez une autre, le cas typique étant la manipulation de charges lourdes.

Evénements assimilés à un accident

Avant de se pencher sur ces cas particuliers, on signalera la situation à part des «lésions assimilées à un accident»3. Dans le domaine de l’assurance-accident selon la Loi sur l’Assurance-Accidents obligatoire (LAA), le législateur a décidé que toute une série d’événements devait être pris en charge par l’assureur-accident et pas par l’assureur-maladie, même lorsque la cause extérieure qui est à leur origine ne peut être qualifiée d’«extraordinaire». Il s’agissait pour lui de régler le sort d’affections qui se trouvent dans une zone grise entre maladie et accident.

Le législateur en a établi une liste qui est exhaustive:

  • fractures;
  • déboîtement d’articulations;
  • déchirures du ménisque;
  • déchirures de muscles;
  • élongations de muscles;
  • déchirures de tendons;
  • lésions de ligaments;
  • lésions du tympan.

La jurisprudence la plus récente du TF retient que des aspects dégénératifs sont presque toujours présents lors de lésions intéressant ces organes. Pour le TF, on contreviendrait à la volonté du législateur en imposant des enquêtes médicales systématiques quant à l’origine de la blessure; dès lors, pour le TF, l’assureur LAA est astreint à des prestations dès qu’un diagnostic de la liste est posé et dès que les douleurs sont apparues immédiatement du fait d’une cause extérieure objective significative (ATF U 398/00 du 5 juin 2001).

L’art. 9 al. 3 OLAA permet à l’assureur LAA de ne pas entrer en matière lorsqu’une structure posée à la suite d’une maladie pour suppléer à une fonction corporelle est endommagée sans qu’il y ait d’accident. L’art. 9 al. 2 OLAA ne peut donc être invoqué pour mettre à la charge de l’assureur LAA la réparation d’un tendon artificiel implanté initialement pour motif de maladie et qui viendrait à céder sans cause extérieure «extraordinaire».

ATF 129 V 466, ATF U 17/03 du 20 août 2003: Une lésion du ménisque est assimilée à un accident au sens de l’art. 9 al. 2 OLAA si elle est liée à un facteur extérieur objectivement constatable, tombant sous le sens. Est nouveau que le facteur extérieur peut être un mouvement du corps lui-même (par ex., se lever rapidement de sa chaise, ou donner un coup dans le vide en jouant au football). Plusieurs autres exemples de ce type sont donnés dans le considérant 4.1 du jugement. Pour le TFA, ce qui importe c’est que la lésion survienne soudainement lors d’un mouvement dépassant l’usage quotidien du corps humain, dans une situation présentant un risque accru de lésion. Le Tribunal Fédéral a développé une riche jurisprudence dans le contexte des lésions assimilées, leur position à la limite de la maladie et de l'accident les rendant particulièrement sensibles aux conflits.

Notion d'accident

RAMA 1996 p. 199: des douleurs à la nuque apparaissant après avoir fait des tours de manège ne résultent pas d'un accident car il est dans la nature même d'une installation de ce type de solliciter fortement la colonne cervicale par les effets de l'accélération.

ATF K 136/08 du 18 janvier 2008: procédant à un revirement de jurisprudence, le TF retient désormais que le fait de se casser une dent en choquant le volant d'une auto-tamponneuse avec la bouche constitue un accident car le dommage est une suite typique d'une cause extérieure (choc visage-volant) qui ne survient pas couramment et présente en soi un caractère extraordinaire. Auparavant, le caractère extraordinaire était nié (ATF K 90/03 du 4 novembre 2005).

RAMA 1996 p. 137: se briser une dent par suite d'un choc en portant un verre à ses lèvres n'est pas un accident car il ne s'est rien passé de particulier ou d'inattendu dans le mouvement.

Accidents de sport

ATF 114 V 298: une élongation des tendons n’est pas une lésion assimilée à un accident dans la mesure où l’OLAA ne retient dans sa liste exhaustive que les «déchirures» (même partielles, pour autant qu'elles soient diagnostiquées clairement, ATF U 221/02 du 23 septembre 2003).

ATF U 469/06 du 26 juillet 2007 et U 611/06 du 12 mars 2007 : lésion du genou suite à un shoot dans le vide, est à la charge de l’assurance-accident: au vu du diagnostic, on se trouve ici en présence d’un événement assimilé à un accident qui relève du domaine de l’assurance-accidents en dépit de l’absence de situation extraordinaire (cf. Ci-dessus).

RAMA 1992 p. 258: les capacités personnelles du blessé sont déterminantes pour juger de la nature accidentelle ou non de la lésion. Ainsi, un geste habituel manqué par un sportif entraîné est un accident. Par contre, le même geste manqué par une personne non entraînée ne serait pas un accident. En effet, il n’est pas «extraordinaire» qu’un amateur rate sa manœuvre.

RAMA 1993 p. 58: un joueur de football qui se fait mal au genou parce que ses adversaires ont des gestes inattendus n’est pas considéré comme victime d’un accident: des gestes de ce genre, bien qu’inattendus, font partie du risque inhérent au jeu, de sorte qu’ils ne peuvent non plus être qualifiés d’«extraordinaires».

ATF 130 V 117: un joueur de hockey propulsé contre la bande suite à une body-check subit un accident, bien que le fait de se faire bousculer fasse partie du jeu, car la trajectoire que suit le corps du sportif après qu'il ait été déséquilibré est totalement imprévisible.

RAMA 1999 p. 420: accident admis comme cas limite pour un skieur chutant après avoir été déséquilibré sur une bosse sur une piste verglacée.

ATF U 398/06 du 21 novembre 2006: une rupture ligamentaire survenant en pratiquant le tennis est à la charge de l'assurance accident car ce sport est particulièrement exigeant pour le corps du fait des accélérations brutales et changements de direction fréquents.

ATF U 67/04 du 13 juillet 2004: le fait de se blesser en sautant un portail d'un mètre de haut au cours d'une séance de jogging ne constitue pas un accident.

ATF 199/03 du 10 mai 2004: se blesser dans un mouvement brusque en jouant au volleyball ne représente pas un accident. Ce sport implique des positions de corps extrêmes, qui sont entraînées, par exemple pour intercepter une balle, et bien des mouvements peuvent se terminer au sol, sans pour autant que l'on dépasse ce qui est usuel dans cette pratique sportive.

ATF U 233/05 du 27 octobre 2005: le ski carving est particulièrement astreignant pour l'appareil ligamentaire et des blessures au genou survenant lors de la pratique de se sport sont donc du domaine de l'assurance accident.

Accidents du travail

ATF U 351/04 du 14 février 2006: les hernies discales ne sont pas considérées comme résultant d’accidents, sauf très rares exceptions. Elles sont usuellement secondaires à un état ante très souvent demeuré caché jusqu’à la date de l’accident. L'assureur accidents prend en charge uniquement le syndrome douloureux lié au déclenchement.

RAMA 1993 p. 53: une glissade pour retenir un lourd tuyau qui se met à rouler sur une pente glissante est un accident même pour un ouvrier sur un chantier car la glissade est un mouvement non coordonné auquel personne ne doit s’attendre.

ATF U 159/06 du 29 août 2006: sauter brutalement hors de sa chaise de bureau pour laisser exploser sa joie constitue un événement significatif et une rupture du tendon d'Achille est à la charge de l'assureur accident comme lésion assimilée.

ATF U 145/07 du 2 mai 2007: se relever de la position accroupie en effectuant une rotation pour répondre à une secrétaire peut être à l'origine d'une rupture méniscale à couvrir par l'assureur accidents au titre des lésions assimilées.

Divers accidents

RJAM 1985 p. 183: les blessures contractées lors d’une chute provoquée par un malaise sont du domaine de l’accident: peu importe qu’une pathologie ait causé la chute.

ATF U 367/04 du 18 octobre 2005: se briser une dent en mordant sur un plomb en mangeant un plat de chasse ne constitue pas un accident car il faut s'attendre à rencontrer cet élément en consommant un tel aliment (pour d'autres exemples cf RAMA 1987 p. 63).

ATF U454/04 du 14 février 2006: n'est pas non plus un accident le fait de se casser une dent en mordant dans une part de pizza contenant une olive qui n'a pas été dénoyautée.

RAMA 1995 p. 90: lorsqu’il s’agit de déterminer la participation de l’assurance-accidents aux suites d’un sinistre (traitement, indemnités journalières, rentes), c’est l’importance objective de l’accident qui est déterminante, pas le vécu subjectif.

ATF U 394/06 du 19 février 2008: le TF précise les principes jurisprudentiels applicables depuis 1991 (ATF 117 V 359) dans le domaine souvent contesté des suites d’accidents avec coup du lapin: le lien de causalité entre l’accident et des douleurs physiques ou psychiques peut être reconnu même en l’absence de lésions physiques objectivées par les moyens diagnostiques. L'analyse de la causalité naturelle (notion médicale) doit cependant avoir lieu sans retard (signes de chronicisation dans les six mois) et sur la base de constatations médicales claires faites immédiatement après l'accident. Quant à la causalité adéquate (notion juridique), elle doit être évaluée en tenant compte d'une liste exhaustive de critères comme par exemple le fait d'avoir suivi un traitement médical lourd et spécifique, de ressentir toujours des douleurs notables et de n'avoir pu reprendre le travail en dépit d'efforts attestés.

Relation ou lien de causalité

En droit, la notion de causalité occupe une position centrale. C’est elle qui permet de définir jusqu’à quand un état de fait peut être relié à une cause originelle. Ainsi on peut, par exemple, définir quel est l’assureur qui assume la poursuite de la prise en charge des frais de traitement. Les juristes distinguent deux aspects de la causalité: la causalité naturelle et la causalité adéquate.

Causalité naturelle

Il y a causalité naturelle si l’on peut penser que sans événement accidentel le dommage ne se serait pas produit. L’accident peut aussi n’être que partiellement à l’origine de l’atteinte à la santé mais, sans lui, le résultat n’aurait pas été le même (condition sine qua non). En matière d’assurance de personnes, c’est le médecin qui est appelé à trancher, à titre d’expert, la question de savoir s’il y a relation de causalité naturelle entre une situation et un événement antérieur.

Causalité adéquate

Il y a causalité adéquate si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, une circonstance (accident ou maladie) est apte à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance. Il s’agit cette fois d’une notion juridique au sujet de laquelle les juristes doivent se prononcer. Sans causalité naturelle, il ne peut y avoir de causalité adéquate.

Etat ante/état sine

L’état antérieur, dit aussi état ante, est un état pathologique ou une disposition particulière, connue ou inconnue, symptomatique ou non, préexistant à l’accident ou la maladie. L’état sine, quant à lui, correspond à la situation dans laquelle le lésé se trouverait si l’accident ou la maladie objet de prestations n’était pas survenu ou n’existait pas.

L’expert médecin est souvent appelé à faire la distinction entre les événements dus à l’accident ou à la maladie et ceux qu’il faut rapporter à l’état ante. C’est de son appréciation que dépend l’acceptation d’un droit aux prestations. La difficulté est souvent de faire la part des états antérieurs qui sont restés «muets» jusqu’à la date de l’accident qui les a révélés: la persistance de douleurs relatives à de tels états antérieurs ne justifie pas de droit aux prestations de l’assurance-accidents puisqu’ils n’ont pas été «causés» par l’événement assuré, mais seulement rendus apparents.

Fardeau de la preuve

Par principe, c’est toujours celui qui entend retirer des droits de l’existence d’un fait qui doit faire en sorte que preuve soit apportée. En langage juridique, on dit qu’il endosse le «fardeau de la preuve». Si la preuve n’est pas apportée, le fait passe pour inexistant.

Dans le domaine de l’assurance sociale, sauf circonstances spéciales, les faits déterminants sont considérés comme réalisés lorsque leur existence peut passer pour établie à un degré de certitude prépondérant (probabilité >50%). Il n’est donc pas nécessaire qu’il y ait une certitude absolue (probabilité = 100%) pour que le fait soit retenu. Par contre, lorsque le fait n’est que possible (probabilité <50%), il ne peut être retenu dans l’appréciation d’une situation juridique.

Economicité

C’est la tendance «à réduire les frais et épargner la dépense» (Dictionnaire Robert) tout en obtenant le meilleur résultat. Le principe de l’économicité n’interdit pas de rembourser des prestations chères. Il vise seulement à éviter le gaspillage.

La LAMal prévoit que «le fournisseur de prestations doit limiter ses prestations à la mesure exigée par l’intérêt de l’assuré et le but du traitement» et «éviter la réitération d’actes médicaux»4.

L’examen de l’économicité se fait de deux manières: selon la méthode statistique et selon la méthode analytique.

Dans la première méthode, on compare l’ensemble des prescriptions d’un prestataire à la moyenne des prescriptions de prestataires comparables; si les prescriptions du prestataire examiné sont nettement supérieures à celles du groupe de comparaison, il y a violation du principe d’économicité. Cette comparaison statistique s’appuie sur les chiffres réunis par santésuisse (méthode statistique ANOVA): les prestataires sont classifiés en fonction de leur spécialité et c’est à l’intérieur de cette spécialité qu’a lieu la comparaison. Cette comparaison doit porter sur l'ensemble des prestations d'un médecin, celles qu'il dispense lui-même et celles qu'il ordonne (médicaments, analyses, hospitalisations, etc., ATF K 6/06 du 9 octobre 2006).

Dans la seconde méthode, on examine, dans un ou plusieurs cas, prestation par prestation si les actes médicaux correspondent à une pratique conforme aux règles usuelles de la profession. Cette approche est moins usuelle: elle est beaucoup plus aléatoire puisque liée aux spécificités d’un cas particulier. On peut la concevoir comme un complément à la méthode statistique.

L’appréciation de l’économicité d’un traitement n’est pas une tâche facile. Il est donc usuel de ne sanctionner que les plus grossières violations.

Les assureurs peuvent agir contre un médecin de leur propre initiative si les principes légaux de la LAMal ne sont pas respectés, ceci également lorsque c’est le patient qui est le débiteur des honoraires (système du tiers garant, ATF K 139/00 du 9 juillet 2001).

Nécessité de traitement

En vertu du principe d’économicité5, seul un traitement approprié à son but peut être remboursé par les assureurs. La nécessité du traitement est donc un élément clé. Il ne suffit pas que le traitement soit ordonné par un homme de l’art. Encore faut-il qu’il soit justifié sous d’autres angles, par exemple l’adéquation et la proportionnalité. De plus, il faut qu’il existe une «maladie» au sens juridique du terme et que le traitement soit efficace, économique et approprié.

A titre d’exemple, on peut citer quelques décisions judiciaires:

ATF 133 V 364: droit pour l'assureur d'accéder aux dossiers de soins d'un établissement afin de procéder à un contrôle par sondage visant à vérifier la classification correcte des patients dans les différents degrés de soins prévus par le tarif.

ATF 125 V 95: une hospitalisation ordonnée médicalement n’a pas à être prise en charge si elle avait pu être remplacée par un traitement ambulatoire ou une mesure conservatrice.

RAMA 1990 p. 24: le fait que le médecin ait prescrit une cure ou une hospitalisation ne rend pas obligatoire la prise en charge.

RAMA 1998 p. 1: si plusieurs traitements sont envisageables, il faut procéder à la balance des coûts et des bénéfices: on rembourse le traitement qui permet d’atteindre le but en étant sensiblement meilleur marché.

ATF 132 V 38: résumé de jurisprudences diverses traitant de l’économicité d’un traitement à domicile plus coûteux qu’un placement dans un établissement médicosocial.

Nécessité d’hospitalisation

RAMA 1998/4 p. 289: les jurisprudences de la LAMA sont valables. Un traitement hospitalier est reconnu s’il ne peut être exécuté en dehors d’un hôpital, ou d’une institution de traitement reconnue (RAMA 1994 p. 162). Les critères de décision sont:

  • le genre des traitements à effectuer (critère objectif et de technologie médicale);
  • l’impossibilité de soigner ou surveiller le patient à domicile (critère subjectif et personnel).

Un pur motif social n’est jamais suffisant pour justifier une hospitalisation (RAMA 1992 p. 99). Par contre il est tout à fait légitime qu'une hospitalisation soit plus longue chez un patient qui ne bénéficie pas à domicile de conditions favorables pour les suites de traitement (personne seule, appartement inadapté) ou parce qu'ailleurs le traitement ne peut pas être dispensé aussi efficacement qu'à l'hôpital (ATF 124 V 362 ou ATF K 86/00 du 27 septembre 2000).

De même l’affaiblissement dû à la vieillesse n’est en principe pas une maladie et il ne permet pas de justifier un séjour dans un hôpital. Lorsque le séjour en établissement hospitalier n’est plus justifié, un bref délai doit être accordé à l’assuré pour organiser son transfert dans un établissement médicosocial (RAMA 1999 p. 31).

De nombreuses jurisprudences soulignent le cadre restrictif de la prise en charge des hospitalisations. Elles demeurent valables après l’entrée en vigueur de la LAMal (RAMA 1998 p. 289).

RAMA 2000 p. 6: si un traitement ambulatoire est approprié et non pas une hospitalisation, l’assuré a droit à la prise en charge des coûts correspondants au traitement ambulatoire nécessaire.

ATF 126 V 323: la réhabilitation médicale vise à récupérer, par des moyens médicaux, des capacités fonctionnelles perdues ou diminuées; par opposition, la cure de convalescence est destinée au repos et au rétablissement après une maladie ayant entraîné une sensible diminution de l’état général, mais sans qu’on soit en présence d’une nécessité particulière de soins ou de traitement.

Etendue des prestations de l’assurance-maladie sociale

Ce point est traité dans le chapitre «Prestations» du présent manuel, mais quelques aspects font l’objet des précisions ci-après.

Négligence, faute grave et entreprise téméraire

Celui qui, par ses attitudes, provoque ou pour le moins favorise la survenance d’un accident n’a pas droit à l’intégralité des prestations d’assurance car l'assuré doit éviter de mettre à contribution l'assurance de manière inappropriée (art. 61 LCA). Le droit aux prestations de l’assurance obligatoire des soins doit cependant rester garanti intégralement (RAMA 1998 p. 514)6.

Est une entreprise téméraire, celle par laquelle «l’assuré provoque un danger particulièrement grave sans prendre des mesures destinées à ramener celui-ci à des proportions raisonnables»7. On peut citer à titre d’exemple la course de côte automobile. L’entreprise téméraire entraîne les plus grandes suppressions de prestations. Suivant les branches d’assurance, il peut même y avoir refus total. Le fait de descendre un col alpestre en patin à roulettes n'est pas une entreprise téméraire dans la mesure où les mesures de sécurité nécessaires ont été prises (ATF U 187/99 du 5 mars 2000).

Celui qui prend des risques, mais moins graves, s’expose à des réductions de prestations. Le cas le plus usuel est la conduite en état d’ébriété ou la consommation régulière et fautive d’alcool. La réduction de prestations reste en ­vigueur aussi longtemps que l’attitude répréhensible demeure. Ainsi, l’alcoolique subira une réduction de prestations aussi longtemps qu’il ne s’est pas distancé de sa manie (RAMA 1993 p. 57). Depuis l'introduction de la LPGA, la réduction de prestations en espèces au titre des assurances sociales n'est désormais uniquement possible qu'en présence d'un acte intentionnel ou dans le cadre d'un crime ou d'un délit (ATF 158/03 du 26 novembre 2003), ce qui réduit notablement la fréquence des cas avec réductions de prestations.

Libre choix du thérapeute

L’assuré a le libre choix du thérapeute en Suisse8. Cette règle vaut pour la médecine ambulatoire comme pour les séjours hospitaliers. Elle est cependant modérée par l’influence des prescriptions en matière de tarif: en matière de traitement ambulatoire, l’assuré a droit au remboursement selon le tarif applicable à son lieu de résidence ou de travail9. Par ailleurs, les modèles alternatifs d’assurances peuvent également être une cause de restriction du choix du thérapeute (RAMA 2000 p. 74) y compris du chiropracticien (RAMA 2000 p. 66)10. Quel que soit le modèle d’assurance, le thérapeute est sans exception tenu de respecter le tarif, la LAMal garantissant la protection tarifaire en toutes circonstances 11.

Pour les traitements hospitaliers, le séjour en dehors du canton de domicile n’est pris en charge que pour autant qu’il y ait une justification médicale12. Dans cette situation, c’est le canton qui assume le supplément de coûts et c’est donc lui qui prend la décision d’accepter ou non sa contribution financière. Il doit participer également aux coûts d’un ­séjour dans une division privée d’un établissement public ou subventionné (RAMA 1998 p. 13). Le patient a l'obligation de choisir un établissement de son canton de domicile, même si l'établissement hospitalier le plus proche est dans un canton frontalier (ATF K 128/01 du 14 octobre 2002). Lorsqu'un patient se rend volontairement dans un autre canton pour y subir une opération et qu'une complication survient, le canton de domicile du patient n'a pas à participer au financement des journées d'hospitalisation rendues nécessaires par cette complication (ATF K 81/05 du 13 avril 2006).

Extraterritorialité

Par principe, les prestations de l’assurance-maladie sociale sont accordées pour des traitements en Suisse. L’entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l’assurance-maladie13, au 1er janvier 1996, a apporté un premier assouplissement à cette règle: on peut désormais rembourser:

  • les traitements d’urgence à l’étranger, en cas de maladie et d’accident;
  • les traitements qu’il n’est pas possible d’exécuter en Suisse, selon une liste qu’il incombe aux offices fédéraux d’établir (N.B.: cette liste n’a jamais été établie et, par défaut, la jurisprudence admet en principe des prises en charge si le bénéfice d'un traitement à l'étranger est notable, ATF K 1/06 du 26 février 2007);
  • les accouchements à l’étranger lorsque c’est le seul moyen pour un enfant d’acquérir la nationalité de ses parents;
  • traitements à des frontaliers.

Le tarif de référence est le tarif du lieu de résidence suisse de l’assuré. Selon l'art. 36 OAMal, les paiements sont plafonnés à deux fois le tarif de référence (mais seulement une fois pour les accouchements à l’étranger).

L’entrée en vigueur des accords bilatéraux a influé ce point de droit. En particulier, les assurés sociaux suisses bénéficient des mêmes prestations que les assurés du pays dans lequel ils séjournent s'ils tombent malade à l'étranger ou s'ils doivent s'y rendre pour recevoir un traitement qui n'est pas disponible en Suisse. Il n'y a par contre pas de droit à consulter un praticien européen sans l'accord préalable de l'assureur suisse, puisque l'acquis communautaire issu de l'Accord sur la Libre-Circulation des Personnes signé par la Confédération n'inclut pas une entière libre prestation de services (ATF 133 V 264). Dans le cadre d'un projet-pilote, certains échanges de prestations transfrontaliers sont également possible (art. 36a OAMal).

7.7Incapacité de travail

L’incapacité est reconnue s’il y a un état pathologique et si l’assuré n’est pas en état de travailler ou encore si une reprise de travail entraînerait une aggravation de son état de santé (RAMA 1998 p. 430).

L’incapacité est transitoire ou définitive. Sa durée est déterminée soit par le médecin traitant, soit par le médecin-conseil, soit encore par un expert, le cas échéant un juge. Elle dépend uniquement de l’état ­physique et psychique de l’assuré, mis en relation avec les contraintes physiques et psychiques requises pour l’accomplissement de son activité professionnelle ou ménagère.

En vertu du principe général appelé «obligation de limiter le dommage», l’assuré doit mettre tout en œuvre pour éviter la prolongation d’un arrêt de travail. C’est ainsi que l’on peut lui interdire toute activité qui ­ralentirait la guérison ou l’astreindre à prendre des mesures qui peuvent l’accélérer. C’est dans ce sens qu’il faut comprendre les dispositions réglementaires qui prohibent certains comportements (interdiction de voyager, sorties du soir, pratique de sports, etc.).

Dans le même contexte, l’assuré durablement incapable de travailler est astreint à un changement de profession lorsque, par ce moyen, le degré d’incapacité de travail peut être réduit14. Dès qu’une autre profession entre ligne de compte, le taux d’indemnisation est calculé uniquement sur la base de cette autre profession. Suivant les circonstances, on accorde à l’assuré qui se trouve dans cette situation un délai d’adaptation de trois à cinq mois pour rechercher un nouvel emploi (RAMA 2000 p. 122).

Réserves et exclusions de risques

Partant du principe que l’on n’assure pas une maison qui brûle, le législateur a postulé que, dans un système d’assurance basé sur l’affiliation facultative (système en vigueur pour les assurances complémentaires), l’assureur doit pouvoir exclure de la prise en charge les risques déjà réalisés lorsque le candidat demande à souscrire d’une couverture (RAMA 1992 p. 233). La réserve est notifiée à l’assuré et elle fait partie intégrante de sa police d’assurance (RAMA 1990 p. 235).

Dès janvier 1996, l’introduction d’un système d’assurance avec obligation généralisée de s’assurer pour les frais de soins a permis de renoncer à imposer des réserves pour cette branche d’assurance (assurance de base). Les réserves demeurent actuelles pour l’assurance facultative perte de gain15. Leur durée est strictement limitée à 5 ans. Pour ce qui est des assurances complémentaires que les assureurs offrent sur la base du droit privé, les réserves peuvent aussi être prononcées mais peuvent durer toute la vie. On parle alors d’exclusion de risque.

Exigences en matière de réserve

La jurisprudence qui avait été rendue sous l'empire de la LAMA demeure applicable dans le cadre de la LAMal (ATF 125 V 292). Le médecin-conseil est appelé à donner à l’assureur les informations médicales nécessaires pour le choix de la réserve et son libellé. Ce faisant, il doit respecter quelques règles:

  • Le libellé doit être précis (RJAM 2/80 p. 58). C’est-à-dire qu’il doit éviter toute extension par interprétation de la réserve formulée à d’autres parties du corps ou à d’autres affections qui pourraient toucher le même organe. L’assuré doit en effet pouvoir se faire une image très claire de l’étendue du risque exclu de la couverture d’assurance. Ainsi, une réserve pour «hernie discale» n’est pas assez précise car elle ne permet pas de préciser le segment de la colonne qui est affecté au moment de la souscription de l’assurance. Une réserve pour «affection nerveuse» n’est pas tolérée non plus: elle ne définit pas avec une précision suffisante la maladie dont il est question. De même, il n’est pas autorisé d’exclure «les maladies du cœur et leurs conséquences» (RJAM 1972 p. 245).
  • Le libellé doit correspondre à une affection médicale clairement définie et existant au moment de l'entrée en vigueur de la réserve. Ainsi, il n’est pas possible de mettre sous réserve toutes les complications éventuelles résultant d’un accident en réservant les «suites de l’accident du ...»: une réserve de ce genre a le défaut de renvoyer à tout ce qui pourrait éventuellement se passer dans un futur plus ou moins proche, sans se limiter à l’état de santé tel qu’il est au moment de la souscription de l’assurance. Dans le même contexte, les tribunaux ont souligné qu’une réserve pour «diabète» ne permettait pas d’exclure toutes les affections qui sont parfois en relation avec cette affection (par ex. gangrène suivie d’une amputation, RAMA 1987 p. 111). Le médecin-conseil est donc parfois contraint de proposer une longue liste de diagnostics à exclure, sans jamais avoir la garantie d’avoir couvert l’ensemble des défauts de santé à exclure de la couverture.
  • L’avènement du SIDA a forcé le Tribunal fédéral des assurances à assouplir les principes valables en matière de précision du diagnostic. Partant du principe acquis en jurisprudence, que l’infection au VIH est déjà une maladie, la Haute Cour fédérale a prononcé que l’assureur pouvait non seulement exclure de la couverture un risque décrit avec exactitude mais également avec la «plus grande précision possible». Vu les multiples affections qui peuvent découler d’une infection au VIH, le tribunal a ainsi accepté que l’on prononce des réserves pour les «suites d’infection au VIH» (RAMA 1990 p. 327).
  • Les exclusions de risques: du fait que les assurances complémentaires des assureurs-maladie sont désormais soumises aux règles du droit privé des assurances, les assureurs ne sont plus obligés de limiter la durée de validité des réserves à 5 années. Contrairement à ce qu’il y paraît, cette extension de la durée de validité des réserves est à l’avantage des candidats à l’assurance. En effet, lorsque les réserves ne pouvaient durer que 5 ans, les assureurs refusaient purement et simplement de conclure en présence d’une maladie à caractère chronique. Maintenant, ils peuvent prévoir que cette maladie sera exclue à vie mais accepter la couverture pour toutes les autres affections sans relation avec elle.

Dans le cadre de l’assurance facultative de droit privé, il est possible d’exclure de la couverture des affections qui ne sont que prévisibles au moment du prononcé de l’exclusion. Ce n’est pas le cas dans l’assurance-maladie sociale où il est nécessaire que l’affection se soit déjà manifestée concrètement.

Réticence

Par réticence, on entend le fait de passer sous silence, volontairement ou par simple négligence, une affection importante pour la détermination du risque à assurer lorsque l’on est questionné au sujet de ses antécédents de santé.

D’ordinaire, les réserves ou exclusions de risques sont notifiées à l’assuré au moment de son entrée dans l’assurance. Il est cependant également possible de prendre le même genre de mesures plus tard, lorsque l’on apprend seulement avec retard, du fait de la réticence d’un candidat, qu’une affection était actuelle au moment de l’entrée dans l’assurance. Dans des cas très graves, l’assurance peut être annulée.

Cette possibilité d’imposer des réserves même après l'entrée en vigueur de la couverture découle du désir de ne pas mettre l’assuré qui a passé une affection sous silence dans une situation plus favorable que celui qui a donné pleinement suite à son obligation de déclarer ses antécédents médicaux. C’est une émanation d’un grand principe juridique, celui de l’«égalité de traitement».

La réserve est imposée à celui qui cache une affection, soit intentionnellement, soit par négligence. L’intention manifeste de tromper l’assureur n’est donc pas absolument nécessaire. On peut reprocher à un assuré d’avoir tu une maladie dès lors qu’il serait apparu adéquat à un candidat "normalement attentif" d’en faire mention à son assureur. L’appréciation du manquement à l’obligation de renseigner a donc lieu selon des critères purement objectifs.

Il est à noter que l’on ne demande pas à l’assuré de procéder à une analyse médicale approfondie de ses symptômes antérieurs. Il doit répondre aux questions qui lui sont posées. La législation sur l'assurance privée prévoit que l'assureur doit procéder à l'appréciation du risque en soumettant au proposant un formulaire précis ou en lui posant par écrit toutes les questions importantes pour l'appréciation du risque16.

Pour éviter tout problème, les assureurs posent donc en principe des questions qui ne suscitent pas l’interprétation (existence d’une visite médicale, date de cette visite, durée d’une incapacité de travail). Se limiter à poser une question du type «vous sentez-vous en bonne santé?» n’a en effet que peu de sens, le candidat n’étant pas orienté dans sa réflexion sur ses antécédents médicaux, mais uniquement appelé à faire état d’un sentiment.

Les juges apprécient d’autant plus sévèrement les omissions du candidat que le questionnaire qui lui a été remis est précis et détaillé. L’assureur qui aurait renoncé à poser des questions au moment de l’entrée dans l’assurance ou aurait accepté un formulaire complété de manière ­lacunaire ne pourra pas reprocher à l'assuré d'avoir manqué à son devoir d'information ni mettre en vigueur une réserve.

Dans les assurances complémentaires, relevant du droit privé, la découverte d’une réticence conduit fréquemment à la renégociation du contrat: l’assureur propose à l’assuré un nouveau contrat avec réserve lui communiquant qu’à défaut d’acceptation, le contrat d’assurance ne sera pas reconduit17. Cette nouvelle négociation du contrat est possible même lorsque la réticence porte sur un diagnostic sans relation avec le traitement en cours. Les prestations d'assurance touchées devront être restituées si elles concernent l'affection au sujet de laquelle une réticence a été commise.

Expertise médicale

L’expertise est le moyen de trancher les divergences d’interprétation entre les différents intervenants dans le règlement d’un sinistre. Comme il est primordial que l’expert emporte la confiance de tous, la loi exige que l'expertisé puisse faire valoir préalablement des motifs de récusation touchant l'expert18. La récusation ne s'impose qu'en cas de motifs graves mettant en doute la capacité de l'expert d'assumer sa tâche en tout neutralité. Le fait d'exécuter souvent des expertises pour les assureurs n'est en aucune manière un motif de récusation (ATF I 793/05 du 8 novembre 2006). Pour se déterminer valablement quant au choix de l'expert, l'assuré doit être informé du nom exact de l'expert (et pas seulement du nom de l'institution qui sera chargée de l'expertise, ATF U 178/04 du 18 août 2006). Dans le cadre de la garantie de son droit d'être entendu, l'assuré doit également avoir la possibilité de se prononcé au sujet du résultat de l'expertise et dans une certaine mesure de proposer ses propres questions à l'intention de l'expert (ATF I 218/06 du 23 juillet 2007).

L'expert organise son travail selon les règles de l'art et dispose de toute la latitude nécessaire pour compléter le dossier médical afin que ses conclusions soient suffisamment étayées (analyses, radiographies, tests psychologiques, etc.). Afin de ne pas fausser le travail d'expertise, l'assuré ne peut par contre pas se rendre à l'expertise accompagné d'un avocat ou d'un autre représentant (ATF I 650/05 du 14 août 2006).

Une fois exécutée, l’expertise devient une pièce essentielle pour la détermination du droit aux prestations. En principe, elle tranche définitivement les aspects médicaux du sinistre en cause. Il n’en demeure pas moins que des critères administratifs peuvent encore influencer la décision finale de l’assureur. Si l’assureur demande l’expertise, il en assume les frais.

Le juge donnera valeur probante à tout rapport médical, même s’il provient d’un médecin-traitant ou d’un médecin-conseil, l’essentiel étant principalement qu’il se fonde sur des examens complets, qu’il soit bien motivé, qu’il ait été établi en pleine connaissance du dossier et tienne compte des plaintes exprimées (RAMA 2000 p. 214).

Protection des données, secret médical et professionnel

Pour son travail, l’assureur a besoin de connaître plus exactement les motifs pour lesquels des traitements ont été dispensés. Il doit donc pouvoir obtenir du thérapeute des renseignements aussi détaillés que ­nécessaire, mais pas plus. L'art. 42 al. 3 et 4 LAMal fonde le droit pour l'administration de recevoir des informations détaillées, au besoin un diagnostic précis. Pour les cas spécialement sensibles, la transmission des documents a lieu par l'intermédiaire du médecin-conseil19.

L'assureur maladie est en droit de traiter les données personnelles d'un assuré afin de déterminer les prestations. Les prescriptions issues des art. 84 et 84a LAMal concrétisent les règles sur la protection des données. Elles sont mêmes plus récentes et plus spécifiques que les règles de la Loi fédérale sur la Protection des Données (LPD), de sorte qu'il n'est pas possible de déclarer contraire à la LPD un traitement de données se fondant sur ces règles LAMal (ATF K 23/00 du 8 avril 2002, ATF 133 V 362). De même, le médecin-conseil qui transmet un avis à l'administration sur la base des pièces qui lui ont été remises ne se rend pas coupable d'une violation du secret médical (Jugement de la Cour suprême du canton de Berne SK 6/363 du 18 janvier 2007, voir aussi RSJ 2006 p. 522).

La sphère personnelle de la personne concernée est protégée dans la mesure où ces informations ne peuvent être divulguées: l'assureur est lié par l'obligation légale de garder le secret20. La LAMal prévoit expressément des condamnations pénales en cas de violation du secret professionnel soit sous forme d’amende ou d’emprisonnement jusqu’à 6 mois21.

Dans l'assurance obligatoire des soins, l'assureur a le droit de recevoir directement toutes les informations qui lui sont nécessaires pour contrôler les factures, y compris le diagnostic. L'assureur a le droit d'obtenir les dossiers de soins de patients dans des établissements médico-sociaux afin de juger de la qualité des soins et de leur adéquation. Dans ce contexte, on ne peut pas exiger de l'assureur qu'il se contente de poser préalablement des questions précises concernant chaque assuré concerné car de telles enquêtes visent à contrôler par screening la pratique régulière des prestataires (ATF 133 V 359). Dans les cas exceptionnels réservés par la loi (appréciation du médecin traitant ou demande expresse du patient), c’est le médecin-conseil qui reçoit les informations médicales détaillées, les filtres pour transmettre aux services administratifs uniquement les éléments de décision qui lui sont nécessaires22.

Le médecin-conseil a la tâche de garantir la confidentialité des données transmises qui, à son sens, ne peuvent pas être remises à l'administration. Dans sa fonction, il doit veiller à ce que la réception confidentielle des plis médicaux soit assurée, que leur archivage ait lieu avec toutes les garanties nécessaires et que son service soit indépendant de l'administration. Cette indépendance doit être garantie par des mesures d'organisation (locaux sécurisés, archivage des données à accès restreint, traitement séparé du courrier, propre raccordement téléphonique) et par une position hiérarchique garantissant l'indépendance totale (ATAF A-7375/2006 du 7 décembre 2007).

Afin de réaliser au mieux sa mission de conseil au bénéfice de l'administration, le médecin-conseil doit parfois se faire assister dans l'analyse des dossiers. En effet sa formation professionnelle de base ne lui permet pas de maîtriser par le détail tous les domaines de la médecine, en particulier s'agissant de questions très spécifiques. A cet effet le médecin-conseil est donc en droit de consulter d'autres médecins, de sa propre initiative et sans devoir au préalable en référer à l'assuré concerné (ATF 131 II 413).


1 Art. 3 LPGA
2 Art. 4 LPGA
3 Art. 9 al. 2 OLAA
4 Art. 56 al. 1 et 5 LAMal
5 Art. 56 LAMal
6 Art. 21 LPGA
7 Art. 39 LAA et art. 50 OLAA
8 Bulletin des médecins suisses 1990, 71, p. 1212
9 Art. 41 al. 1 LAMal
10 Art. 41 al. 4 LAMal
11 Art. 43 et 44 LAMal
12 Art. 41 al. 3 LAMal
13 Art. 34 LAMal
14 Art. 6 LPGA
15 Si on qualifie cette assurance de facultative, c'est pour exprimer que l'assuré n'est pas obligé de la souscrire. L'assureur par contre n'est pas en droit de refuser une candidature, en régime LAMal.
16 Art. 4 LCA
17 Art. 6 LCA
18 Art. 44 LPGA
19 Art. 42 al. 5 LAMal
20 Art. 33 LPGA et art. 84 et ss LAMal
21 Art. 92 LAMal
22 Art. 57 LAMal

Société Suisse des médecins-conseils et médecins d'assurances

Questions, suggestions

Avez-vous des questions, remarques ou suggestions concenant notre Homepage?

Transmettez-les nous et contactez notre bureau, s.v.p.

Bureau

SGV
c/o MBC Markus Bonelli Consulting
Rudolf Diesel-Strasse 5
8404 Winterthur

Tel. 052 226 06 03
Fax 052 226 06 04

Email info@vertrauensaerzte.ch